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AUX ÉTATS-UNIS, LA POPULATION AFRO-AMÉRICAINE DUREMENT TOUCHÉE PAR LE CORONAVIRUS

Tandis que l’épidémie de coronavirus continue de se propager aux États-Unis, certaines données laissent présager un impact disproportionné sur la population afro-américaine, causé en partie par un système de santé très inégalitaire et une pauvreté accrue.

À Chicago, 72 % des personnes décédées sont noires

Mardi 7 avril, lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, Donald Trump a publiquement reconnu les disparités ethno-raciales dans l’impact du coronavirus sur la population américaine. Les quelques statistiques déjà disponibles vont d’ailleurs dans ce sens : la population africaine-américaine semble atteinte de façon disproportionnée par l’épidémie de Covid-19.

À Chicago par exemple, 72 % des personnes décédées sont noires alors qu’elles représentent moins d’un tiers de la population. En Louisiane également, 70 % des morts sont noirs alors qu’ils ne représentent que 14 % de la population, rapporte le Washington Post.

Les épidémies, affectent prioritairement les groupes les plus pauvres »,

« Ces chiffres ne sont pas du tout étonnants. On sait historiquement que des épidémies, comme la grippe espagnole il y a un siècle, affectent prioritairement et de manière démesurée les groupes les plus pauvres », soulève Pap Ndiaye, historien et spécialiste des États-Unis. Même s’il faut attendre un bilan plus national et global à la fin de l’épidémie, ces données illustrent déjà de profondes inégalités structurelles en termes d’accès aux soins dans le pays.

Pauvreté et comorbidité

Plusieurs facteurs peuvent être pris en compte pour expliquer cette situation. Tout d’abord « se pose la question des cofacteurs, comme l’obésité, le stress, le diabète », potentiellement aggravants de la maladie et qui seraient particulièrement présents au sein de la population afro-américaine aujourd’hui, explique Romain Huret, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Cette comorbidité est aujourd’hui le résultat de conditions de vie marquées par la paupérisation, les logements vétustes, la promiscuité, les mauvaises conditions d’hygiène, une alimentation peu équilibrée, précise le chercheur.

Le système de santé américain  est inégalitaire

Le système de santé américain, très inégalitaire et difficile d’accès pour les catégories les plus pauvres, aggrave encore ces symptômes. « Pas ou mal assurées, certaines personnes tardent à se faire soigner où n’y vont pas car elles savent qu’elles ne seront pas prises en charge », explique Romain Huret.

Aux États-Unis « la pauvreté joue beaucoup sur la santé, avant même l’épidémie », rappelle aussi Nicole Bacharan, politologue et spécialiste des États-Unis. Elle souligne aussi la présence d’un certain racisme « pas forcément conscient ou volontaire » au sein du corps médical américain qui ne serait « pas toujours assez attentif » aux besoins médicaux de la population noire.

Les Noirs exercent des métiers  qui ne permettent pas le télétravail

Enfin, une « exposition plus grande » de la population africaine-américaine, exerçant des métiers plus « modestes » qui ne permettent pas le télétravail et donc des mesures de confinement, est aussi un facteur important expliquant les disparités ethno-raciales face à l’épidémie, rappelle Pap Ndiaye. Un rapport de l’Institut des politiques économiques américain publié le mois dernier indique que moins d’un travailleur noir sur cinq était en mesure de travailler de chez lui.

« Cette pandémie met en lumière les failles profondes d’une société. »

Plusieurs associations dont l’organisation de défense des droits des minoriés « Lawyers’ Committee for Civil Rights Under Law », ainsi que des groupements de médecins et des sénatrices démocrates comme Elisabeth Warren et Kamala Harris, demandent aujourd’hui la publication de plus de statistiques ethno-raciales à l’échelle du pays. Pap Ndiaye rappelle d’ailleurs l’utilité de ces données qui mettent « en lumière les inégalités du pays » et permettent ensuite « d’engager des politiques de correction » et donc de développer une stratégie de santé publique mieux adapter à la crise.

« Aux États-Unis, on regarde cette donnée ethnique contrairement à la France où c’est illégal », regrette d’ailleurs Nicole Bacharan. « C’est pourtant une base pour faire des politiques publiques, une crise comme cette pandémie met en lumière toutes les failles profondes d’une société. »

Albane Thirouard, le 09/04/2020 à 11:00 Modifié le 09/04/2020 à 13:35

 

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