mercredi, avril 24, 2024
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BRESIL: LES FEMMES FACE AU HARCELEMENT DANS LE CARNAVAL DE RIO

Après son premier week-end, le carnaval de Rio bat son plein. Avec chaque année des baisers volés et des mains baladeuses dont sont victimes les femmes, dans les rues, lors des défilés des groupes de musiciens. Mais depuis septembre 2018, le harcèlement sexuel est considéré comme un crime dans le Code pénal brésilien, passible de un à cinq ans d’emprisonnement. Une campagne de prévention contre le harcèlement a lieu, dans les cortèges, pour qu’hommes et femmes prennent conscience de la législation, de leurs droits, et des limites de leurs comportements.

Raquel Fialho joue du saxophone dans un bloco féministe, un groupe de musique de rue qui défile pendant le carnaval. Chaque année, elle et ses amies sont victimes de harcèlement. « Je ne me sens pas à l’aise au carnaval. On développe certaines stratégies pour se protéger, notamment en évitant d’être seules. Par exemple, si je veux aller aux toilettes je me fais accompagner par deux amies. Il y a certains blocos où je ne préfère pas aller parce que je sais qu’il y a plus de harcèlement… »

« Non c’est non, mon déguisement n’est pas une invitation, mes paillettes ne sont pas là pour attirer ton attention »… Des slogans que les femmes vont parfois jusqu’à se tatouer sur le corps, le temps du carnaval. Des messages qui paraissent être évidents… et pourtant c’est loin d’être le cas.

Renata Rodrigues est la fondatrice de Mulheres Rodadas, le premier bloco féministe de Rio, créé il y a cinq ans.

« Une étude a été faite en 2016 qui montre que la majorité des hommes pensent que si vous êtes une femme et vous êtes dans la rue, pendant le carnaval, vous ne pouvez pas vous plaindre d’être harcelée… et que le carnaval n’est pas un endroit pour les femmes « honnêtes ». Je pense qu’au Brésil il existe encore une certaine confusion par rapport au corps de la femme, entre ce qui est public et ce qui est privé. Ce n’est pas parce que votre corps est dans l’espace public que votre corps est un bien public, nous explique t-elle. Vous ne pouvez pas être touchée, embrassée, si vous n’en n’avez pas envie ! Et c’est très étrange, mais il faut rappeler que la loi vaut pendant le carnaval comme pour le reste de l’année ! »

Nouvelle législation

Cette année sera le premier carnaval avec une nouvelle législation contre le harcèlement, désormais passible de un à cinq ans d’emprisonnement. À l’occasion, la Défense civile de l’État de Rio de Janeiro, avec le bloco Mulheres Rodadas, distribuent un guide contre le harcèlement durant le carnaval.

Flávia Nascimento coordonne le programme de défense des droits des femmes, au sein de la Défense civile. « C’est très important de diffuser ça. Déjà pour ceux qui, éventuellement, sont à l’origine de ce type de comportements. Pour qu’ils sachent que désormais c’est considéré comme un crime, alors qu’avant il n’y avait qu’une simple contravention, ce qui était en contradiction avec les conséquences que ce type d’acte a sur la femme qui en est victime. Et au-delà de ça, c’est aussi pour informer les femmes de leurs droits quand elles sont victimes de ces faits. »

Respect et mixité

Le travail de changement des mentalités, pour fonctionner, doit être relayé par les hommes eux-mêmes. De plus en plus se disent féministes au Brésil. Pour João Rodrigues, 22 ans, la première règle du carnaval c’est le respect. « Je ne reproduis pas ce type de comportement, je ne le soutiens pas non plus, je suis fondamentalement contre et j’appuie le mouvement des femmes. Mais c’est à elles de parler, pas à moi. »

João avoue qu’il ne se sent parfois pas le bienvenu dans certains blocos féministes. De plus en plus nombreux et diversifiés, certains refusent la mixité. Une erreur selon Raquel Fialho. « Je pense que c’est fondamental qu’un bloco avec une proposition féministe inclue les hommes. Parce que finalement, le féminisme, c’est une proposition de changement culturel. Donc pour que ce changement fonctionne, il faut inclure une grande partie de la population. Les femmes n’y arriveront pas sans les hommes. »

Une tâche difficile alors que le pays compte parmi les taux de féminicides les plus élevés au monde. Quatre femmes sont tuées chaque jour depuis le début de l’année. Et les femmes noires sont encore plus touchées par les assassinats et le harcèlement, auxquels s’ajoute le racisme de la société brésilienne. Ce lundi, la mythique école de samba de Mangueira défilera en rendant hommage à une figure féministe. La militante noire et lesbienne Marielle Franco, assassinée l’année dernière.

RFI

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