Au Festival de Cannes, une table ronde initiée par le Centre national du cinéma (CNC) et UniFrance, l’organisme en charge de faire rayonner le cinéma français à l’international, a dressé cette semaine un « état des lieux de la consommation cinématographique en Afrique francophone subsaharienne ». Entretien avec l’animateur de cette table ronde, Sébastien Onomo, producteur de films d’origine camerounaise et co-président du groupe francophone d’UniFrance.
RFI : Comment jugez-vous la présence de films d’Afrique subsaharienne au Festival de Cannes ?
Sébastien Onomo : Cette année, la présence de films en provenance d’Afrique subsaharienne francophone est très faible. Il y a des talents, ils ont des difficultés à financer correctement leurs films pour pouvoir les présenter correctement dans des festivals de cette envergure et cela se ressent. On sait que les compétences et la vision artistique sont là. Malheureusement, ils ont des difficultés de boucler les films dans des conditions convenables pour que leurs œuvres puissent être présentées au grand public. C’est dommage.
Quel état de lieux dressez-vous de la consommation cinématographique en Afrique subsaharienne ?
Ce n’est ni bien ni mal. On constate un début de quelque chose et cette dynamique est en train de s’enclencher. Elle pourra être une dynamique positive si les différents partenaires – publics ou privés – décident à passer à la deuxième vitesse pour enclencher une dynamique qui sera pérenne, à la fois pour l’industrie, les talents, pour la visibilité et la diversité de ce cinéma qui est riche est foisonnant.
Au Festival de Cannes, la compétition officielle se bat pour que les films soient d’abord projetés en salle. Lors de votre table ronde, on a aussi évoqué des initiatives en Afrique subsaharienne en faveur de plateformes pour une consommation de films en streaming. L’avenir du cinéma en Afrique, est-ce plutôt de nouvelles salles ou plutôt un « Netflix » africain ?
Je pense que c’est toujours les deux. La salle a ce côté magique qu’on ne peut pas lui enlever. Donc, pour moi, les gens continueront à regarder des films en salle. Après, les évolutions technologiques font que, forcément, avec l’arrivée de la 4G et de la fibre en Afrique, la manière de consommer du contenu va évoluer, comme c’est le cas à travers le monde. De plus en plus, les gens vont regarder des films sur leur tablette, sur leur smartphone, etc. Ça, c’est inévitable. L’Afrique n’y échappera pas. Le tout c’est de bien s’y préparer avec des contenus de qualité, parce que c’est aussi ce que veulent les Africains, des contenus de qualité qui leur ressemblent et qui parlent d’eux, de leur quotidien et de leur histoire.
Certains directeurs des sections parallèles pensent que le Festival de Cannes n’est pas forcément le meilleur endroit pour présenter des films indiens ou africains, mais qu’il y a d’autres festivals mieux adaptés pour cela. Selon vous, est-ce que les films africains ont leur place à Cannes ?
Les films africains ont bien sûr leur place au Festival de Cannes, comme dans tous les festivals internationaux. Pour moi, c’est évident. Il n’y a même pas de débat. Maintenant, on sait que dans certaines compétitions, on fait attention d’avoir une certaine diversité en termes de films et de leur provenance. Le jour où l’on aura aussi, de notre côté, une production de films plus abondée, je suis convaincu que les différents sélectionneurs dans les différentes sections regarderont avec attention nos films, parce qu’on a toujours eu une école de cinéastes forts et puissants avec des films singuliers qui marquent le monde. Et il n’y a pas de raison que cela s’arrête.