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COP26 : TXAI SURUI, 24 ANS, NOUVEAU VISAGE DE LA DEFENSE DE L’AMAZONIE

« Sans peuples autochtones, il n’y a pas d’équilibre climatique », explique sur son compte Instagram la jeune militante Txai Surui.

Née au cœur de la forêt amazonienne, la jeune militante écologiste Txai Surui, 24 ans, a quitté son petit village du Rondônia, au Brésil, pour plaider à la COP26 la cause des indigènes et alerter sur la déforestation qui se poursuit dans le pays. Portrait d’un nouveau visage de la lutte climatique.

La relève du célèbre chef indigène Raoni semble assurée. Le nouveau visage pour défendre les terres d’Amazonie se nomme Txai Surui. Elle n’a que 24 ans. Mais ces mots sonnent aussi fort que ceux du grand chef kayapo au temps de sa superbe.

Invitée à prendre la parole, le 31 octobre, lors de la cérémonie d’ouverture de la COP26,  la jeune étudiante en droit n’a pas ménagé l’aéropage de chefs d’État qui lui faisaient face. « Aujourd’hui, le climat se réchauffe, les animaux disparaissent, les rivières meurent et nos plantes ne fleurissent plus comme avant ». Et d’asséner de plus belle, toujours en anglais. « La Terre parle. Elle nous dit que nous n’avons plus le temps. Les peuples autochtones sont en première ligne de l’urgence climatique, et nous devons être au centre des décisions qui se prennent ici. […] Ce n’est pas en 2030 ou en 2050, c’est maintenant ! », a-t-elle martelé, coiffée d’une parure de plumes indigène, d’un poncho traditionnel et de colliers de perles colorés. « Arrêtons l’émission de promesses fausses et irresponsables ; arrêtons la pollution des mots vides et luttons pour un présent et un avenir vivables. Que notre utopie soit un avenir sur Terre », a-t-elle conclu, non sans rappeler une certaine Greta Thunberg.

Depuis cette prise de parole sans équivoque sur l’urgence de la situation en Amazonie, les médias s’arrachent la jeune femme qui enchaîne les interviews. Les ministres de pays riches demandent à la rencontrer. Elle a même reçu des appels du Vatican. Mais dans les couloirs du siège de la COP26, celle que l’on surnomme « Walela » conserve sa simplicité. Le sourire aux lèvres – que l’on aperçoit dès lors qu’elle retire son masque pour les entretiens télévisés – et toujours vêtue des habits traditionnels de son village, elle affiche un visage serein. Un visage que les Brésiliens connaissent bien.

Plainte contre l’État brésilien

Il faut dire que la jeune militante a frappé fort cette année. Avec cinq autres jeunes, elle a porté plainte, en avril, contre l’État brésilien au tribunal de Sao Paolo pour non-respect de ses objectifs climatiques. Plus précisément, la démarche a pour objectif de faire annuler un texte, entré en vigueur en décembre, qui permet au Brésil d’émettre davantage d’émissions de gaz à effets de serre que promis pour 2030. Elle mène l’opération de front et entraîne dans son mouvement huit anciens ministres brésiliens de l’Écologie.

Sur son compte Instagram, pas de bouche en cul-de-poule – ou très peu – mais des selfies pris lors de manifestations environnementales, des clichés de slogans écologistes et de banderoles qui invectivent les dirigeants. Il faut dire qu’au Brésil, Txai Surui est l’une des fondatrices du mouvement écologiste Fridays for Future au Brésil. Elle organise de nombreuses mobilisations contre la déforestation et l’exploitation minière sur ses terres autochtones, ou contre la pollution des rivières. Son nom se retrouve régulièrement cité dans la presse.

De son vrai nom Walelasoetxeige Paiter Bandeira Suruí, Txai Surui n’est pas tombée tout à fait par hasard dans l’activisme environnemental. Elle est en effet issue d’une famille qui milite pour les droits du peuple surui dans l’État brésilien de Rondônia, situé au cœur de l’Amazonie brésilienne. Son père, Almir Narayamoga, cacique de la tribu depuis l’âge de 17 ans, lui a passé le flambeau. Figure de proue de la lutte contre les exploitants forestiers illégaux, il a dû fuir le Rondônia avec la mère de Txai après des menaces de mort insistantes.

Un combat familial

Et tout comme son père, la jeune femme fait l’objet d’intimidations émanant de ceux dont elle menace les intérêts. « Je reçois des messages racistes et des messages de haine, parce qu’ils [les autorités brésiliennes, NDLR] n’aiment pas que je sois venue ici pour parler de ce qui se passe au Brésil. Je n’ai pas peur car ce que vivent les peuples indigènes au Brésil est bien plus dangereux que les messages sur Internet ».   

Le discours de la militante est à ce point pris au sérieux que le président brésilien, Jair Bolsonaro, qui a boudé la COP-26, a pris la parole pour fustiger son intervention. « Ils se plaignent que je ne suis pas allé à Glasgow. Ils ont emmené une femme indienne là-bas – pour remplacer le [chef] Raoni – pour attaquer le Brésil. Quelqu’un a-t-il vu un Allemand attaquer l’énergie fossile de l’Allemagne ? Quelqu’un les a-t-il vus attaquer la France parce que leur législation environnementale n’a rien à voir avec la nôtre ? Personne ne critique son propre pays. A-t-on vu un Américain critiquer les incendies dans l’État de Californie ? »

Menaces

La jeune Walela le sait, à son retour au Brésil, elle devra être protégée, a-t-elle expliqué, sans donner plus de précisions. « L’État dans lequel je vis est un des bastions de Jair Bolsonaro et les défenseurs des droits de l’Homme et de l’environnement y sont en danger ». Lors de son discours inaugural de la COP26, elle n’a d’ailleurs pas manqué d’évoquer la mémoire d’un militant récemment disparu. « J’ai perdu un ami à cause de ce combat, nous avons déjà perdu beaucoup de dirigeants indigènes à cause de ce combat », a-t-elle regretté. Un tout récent rapport du Conseil missionnaire indigéniste fait en effet état de 182 assassinats d’indigènes en 2020, un chiffre en augmentation de 61 % par rapport à 2019.

« S’il n’y a pas de justice pour les peuples indigènes, alors il n’y a pas de paix pour le gouvernement ! », indique la militante Txai Surui sur son compte Instagram

C’est dans ce contexte sans fard, loin des projecteurs de la COP26, qu’elle devra poursuivre ses études de droit à l’université brésilienne de Porto Velho, dans l’État de Rondônia. Elle est d’ailleurs sur le point d’obtenir un diplôme. La suite ? L’impétueuse militante prévoit de se marier et souhaiterait retourner vivre dans son village natal à Lapetanha. Son diplôme en poche, elle pourra utiliser le droit comme une arme pour faire plier les puissants. Le procès contre l’État brésilien est peut-être le premier d’une longue liste. Quant à revenir aux prochaines COP, la jeune brésilienne ne le souhaite pas. Elle a apprécié son voyage à Glasgow, mais n’espère pas y retourner. « J’espère ne plus devoir revenir. J’espère que bientôt, les gens se rassembleront ici (à la COP) pour parler des belles choses qu’ils auront accomplies, de la justice climatique », a-t-elle assuré à l’AFP. D’ailleurs, « il fait très froid », conclut la chaleureuse militante.

kemebrama@hotmail.com,ANEJ Côte d’Ivoire

Source : France 24

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