« L’Etat doit aussi prendre le contrôle et homologuer la qualité », explique M. Koffi, qui soulève le problème de « l’efficacité douteuse » de certains masques.
Car « évidemment, tous les masques ne se valent pas! Mais tout le monde ne peut pas porter un masque FFP qui filtre les microparticules », souligne Jean-Marie Milleliri, médecin épidémiologiste au Programme d’appui aux stratégies sociales de Côte d’Ivoire.
« Porter un masque c’est mieux que rien. En portant un masque (non homologué), on évite de contaminer les autres et on se protège peut-être un peu. C’est aussi un marqueur de l’intérêt qu’on porte au Covid, à la distanciation sociale et aux gestes barrière », poursuit-il.
Pour le moment, la Côte d’Ivoire est relativement peu touchée selon le bilan officiel, avec 444 cas dont trois décès.
« 2 masques 500 » FCFA (65 centimes), crie Roberte en transpirant derrière son masque, bravant les gaz des pots d’échappement, la chaleur accablante, les chauffards impatients et… le coronavirus.
Au même carrefour, d’autres vendeurs proposent des masques en tissu à 1.000 FCFA (1,5 euro). Dans un quartier plus chic, ces mêmes masques coûtent le double.
Dans les pharmacies, les masques basiques sont souvent en rupture ou se vendent à prix d’or : 1.000 voire 1.500 FCFA.
Avec la rareté, de nombreux masques « artisanaux » sont apparus. « J’ai cherché des masques à la pharmacie. Je n’en ai eu qu’un seul. Alors j’en ai acheté un autre dans la rue. Là, il y en a », explique Pierre Bertin Thieu, enseignant.
Il manque même des masques pour le personnel soignant dans les hôpitaux, comme l’ont dénoncé des syndicats de la santé.
« Il y a une psychose. Le citoyen lambda qui a envie de se protéger, il prend les mesures qu’il veut mais ce n’est pas le ministère de la Santé qui leur recommande des masques en tissu », affirme Clarisse Kouassi du ministère, soulignant qu’il y a une « pénurie même dans les pays développés ».
« Est-ce que le ministère va empêcher le couturier de faire son travail? Le ministère va aller faire la police devant chaque artisan? », dit-elle.
– « Pas opportuniste » –
Roger Bango, créateur de mode et directeur de la société Korha, a décidé de se lancer. L’entreprise vendait environ 1.200 pantalons, vestes et chemises par mois, et employait une cinquantaine de personnes ainsi qu’une centaine de sous-traitants. Mais, avec la crise du coronavirus, il a dû mettre tout son personnel au chômage technique.
« Je suis créateur. Je connais les tissus. Je voulais faire quelque chose pour lutter contre l’épidémie. Je voulais fabriquer des masques à grande échelle pour que tout le monde puisse en avoir », explique-t-il.
« Je ne suis pas un opportuniste », se défend Roger Bango, qui veut proposer un produit de qualité. Il a étudié le cahier des charges de sociétés de certification et créée des masques en tissu avec trois épaisseurs dont un filtre.
« Ce sont des masques qu’il faut bien laver et désinfecter après trois ou quatre heures d’utilisation », insiste-t-il, soulignant que par ignorance beaucoup réutilisent les masques en tissu ou même en papier sans les désinfecter.
Il a rembauché une dizaine d’employés pour produire environ 1.000 masques par jour vendus 1.000 FCFA (1,5 euro), soit moins que certains masques en papier en pharmacie. Il espère qu’ils seront homologués par le ministère.
Le gouvernement ivoirien, qui promet de rendre les masques disponibles pour les cinq millions d’habitants d’Abidjan, a annoncé des dispositions pour « la fabrication par l’industrie locale et l’importation massive de masques ». Il reste à savoir quand ces mesures produiront leurs effets.