lundi, octobre 14, 2024
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DISPARITION D’AMADOU GON COULIBALY : LA COTE D’IVOIRE ENTRE CHOC ET INCERTITUDE!

La mort ne tombe jamais au bon moment, mais peut survenir à un moment pouvant être considéré comme le pire. Celle d’Amadou Gon Coulibaly, jusque-là Premier ministre de Côte d’Ivoire et candidat du RHDP du président Ouattara, entre dans cette catégorie.

L’homme était central par sa compétence reconnue, par la confiance qui le liait au chef de l’État dont il était le collaborateur le plus proche depuis trente ans, et aussi et surtout par le fait qu’il était celui à qui le président Alassane Ouattara s’apprêtait à passer le témoin de la destinée du pays. C’est donc peu de dire que c’est une séquence compliquée que la Côte d’Ivoire doit gérer depuis l’annonce du décès mercredi, à commencer par l’obligation pour le parti au pouvoir, le RHDP, de se trouver un nouveau champion pour la présidentielle d’octobre.

 

État de choc

« La Côte d’Ivoire en état de choc » (L’Inter), « Coup de tonnerre » (Soir Info), « Coup de massue » (Fraternité Matin), les titres de la presse cités par l’AFP ont reflété la surprise au sein de la population à l’annonce du décès du Premier ministre, même si on savait « AGC » malade du c?ur depuis longtemps. « Il était revenu de sa maladie, je croyais qu’il allait bien », s’étonne Johanne Ibo Kouakou, commerçante, qui comme la plupart des Ivoiriens a vu les images du retour en grande pompe au pays d’AGC la semaine dernière après deux mois passés en France pour des problèmes cardiaques. « C’est une surprise. Amadou, il était comme notre père », commente Mahamadi Sawadogo, vigile à Abidjan. « Ça nous a choqués vraiment [?], c’est lui qu’on attendait pour parachever l’?uvre du président Alassane Ouattara », témoigne Ibrahim Dembele, ébéniste.

Korhogo, la grande agglomération du Nord ivoirien, ville natale et fief politique d’AGC, était aussi désemparée. Dans la cour familiale des « Gon Madou » (grand-père du Premier ministre), les délégations de toute la région se succédaient pour les condoléances dans une atmosphère lourde, a constaté un journaliste de l’AFP. « C’est une perte pour Korhogo et ses environs, une grande perte pour le Nord », a confié une visiteuse, Simone Soro.

Éloges locaux et internationaux

Après une vague d’hommages de la majorité comme de l’opposition mercredi, les éloges des politiciens se poursuivaient jeudi. « La Côte d’Ivoire perd un digne fils, un grand serviteur. Tu demeureras un modèle pour moi », a écrit sur Twitter le ministre de la Défense Hamed Bakayoko, dit « Hambak », qu’on a souvent opposé au Premier ministre au sein du camp présidentiel. « Hambak » avait assuré l’intérim du Premier ministre pendant ses soins en France et pourrait être candidat à sa succession. L’ex-chef de la rébellion et candidat à la présidentielle Guillaume Soro, brouillé avec le pouvoir et qui vit en exil en France pour éviter des poursuites judiciaires, a affirmé avoir « partagé une longue fraternité » avec AGC, originaire du nord de la Côte d’Ivoire comme lui, ajoutant que les liens entre leurs deux familles « n’ont jamais été érodés en dépit de l’atmosphère politique ambiante ».

Au niveau international, le président français Emmanuel Macron a salué « la mémoire et le dévouement d’un grand serviteur de la Côte d’Ivoire, artisan de son redressement économique et ami fidèle de la France », ancienne puissance coloniale. Les chefs d’État d’Afrique de l’Ouest ont aussi exprimé leurs condoléances. Le président nigérien Mahamadou Issoufou a fait part de sa « grande émotion », le président burkinabè Roch Kaboré de sa « tristesse », et leur homologue sénégalais Macky Sall de sa « peine ».

 

L’embarras mêlé de tristesse du RHDP décrypté

Sur le plan politique, le président Ouattara et son parti le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) sont dans l’embarras, alors que M. Gon Coulibaly avait été désigné en mars candidat pour la présidentielle d’octobre. « AGC était plus qu’important dans le dispositif : il était LE dispositif », estime le politologue Jean Alabro, qui rappelle les liens du Premier ministre avec de nombreux chefs du Nord. « En ce moment, tous les choix possibles sont mauvais », poursuit-il, énumérant les autres candidatures possibles, « Ouattara [pour un troisième mandat], Hamed Bakayoko ou un troisième qu’il faut faire émerger ».

« Ouattara [qui avait annoncé en mars ne pas vouloir le faire] peut se représenter. Mais il y a beaucoup de désavantages », dont les accusations de démocratie altérée, selon lui. M. Ouattara et ses partisans estiment que le changement de Constitution en 2016 lui donne légalement le droit de se présenter, mais l’opposition soutient que l’esprit de la Constitution le lui interdit. « Quant à Hambak, il est mal perçu par une partie de la population pour son rôle dans la rébellion [des années 2000], certains le voient comme un assassin. Et dans son camp, les pro-Gon ne verraient pas d’un bon ?il » que sa mort profite à « son ennemi », estime M. Alabro.

« Reporter la présidentielle pour des motifs de pandémie de coronavirus ou des problèmes d’enrôlement électoral pourrait être une bonne option » pour le parti au pouvoir, selon lui. Pour Modeste Goran, professeur de l’université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, « un parti comme le RHDP réfléchit à toutes les éventualités. Dans le projet, il y avait sans doute un suppléant à Gon, même si on ne le connaît pas aujourd’hui ». Et l’universitaire de noter l’importance de la machine électorale du RHDP, qui maille tout le territoire ivoirien : « Il a un poids, une notoriété et une activité qui peuvent permettre à un nouveau leader de l’emporter. »

Le Point

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