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FRANCE : L’OFFENSIVE DE L’EXÉCUTIF CONTRE LES « MOSQUEÉS SÉPARATISTES »

Le ministre de l’intérieur place 76 mosquées sous contrôle. À quelques jours du projet de loi contre le séparatisme, cette mise sous surveillance de l’islam

Fragilisé par la contestation du projet de loi sur la sécurité globale adopté la semaine dernière à l’Assemblée, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin devait rebondir. Le 9 décembre, avec son collègue de la justice, Éric Dupond-Moretti, il présentera en conseil des ministres un texte encore plus sensible sur la lutte contre le séparatisme. C’est dans ce contexte d’entre-deux inconfortable que l’hôte de la place Beauvau a choisi de lancer une offensive contre les lieux de diffusion de l’islam radical.

Séparatisme, ce que va changer la loi

Lors d’une visio-conférence organisée jeudi 3 décembre après-midi avec l’ensemble des préfets, il a donné pour mission aux représentants de l’État de placer sans attendre sous contrôle les mosquées les plus problématiques.

Dix-huit mosquées visées par des « actions immédiates »

Le ministre s’appuie sur une note des services de renseignement dressant un diagnostic du tissu communautaire musulman. Sur environ 2 600 salles de prières ou mosquées recensées en France, seule une petite minorité pose problème, explique le cabinet du ministre. Le contrôle va être renforcé pour 76 d’entre elles, dont 18 vont même être visées par des « actions immédiates » qui pourraient être des fermetures. Huit se situent en Île-de-France et 10 en régions (Bas-Rhin, Haute-Garonne, Hérault, Moselle, Nord, Var et Vaucluse), selon une information du Figaro confirmée par l’intérieur.

Les services de renseignement ont cherché à préciser les critères de ces « mosquées séparatistes ». Des lieux qui, « en diffusant une idéologie d’islam politique, en remettant en cause les valeurs républicaines, en banalisant les actes de terrorisme, créent les conditions de la haine, du rejet, de la violence ou de troubles à l’ordre public ».

Le précédent de la mosquée de Pantin

Cette offensive intervient alors que le Conseil d’État vient de valider la fermeture pour six mois de la mosquée de Pantin (Seine-Saint-Denis) mise en cause après l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre. Le président Macron avait alors annoncé une mobilisation de l’État, sans attendre le projet de loi qui sera présenté la semaine prochaine et arrivera au Parlement en février 2021.

Pour le député LREM de l’Essonne Francis Chouat, le cœur de la réforme n’est pas cette problématique de la fermeture des mosquées. « La mobilisation lancée par le ministre de l’intérieur montre simplement qu’on a déjà les moyens de réagir et que les responsables politiques s’en sont trop longtemps tenus à un silence et un renoncement coupables ».

Son collègue Éric Ciotti (LR) qui présentera dans quelques jours le rapport d’évaluation de la loi de 2017 sur la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (loi SILT qui avait succédé à l’état d’urgence) reste pour sa part dubitatif : « Je m’étonne que depuis trois ans, on n’ait fermé que huit lieux de culte. Ce qui est fait là aurait pu l’être plus tôt, et j’attends de voir si cela sera vraiment suivi par des actes. »

« Lassitude et colère » des imams

Parmi les sites ciblés, certaines mosquées seraient en fait des salles clandestines ou des lieux qui ont ignoré une précédente décision de fermeture administrative. « Le gouvernement est dans sa mission de faire respecter l’ordre public, reconnaît Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM). Mais certains contrôles ne présagent en rien une fermeture. Je crains que l’annonce, telle qu’elle a été relayée par la presse, soit mal comprise par les musulmans. Il faut éviter les raccourcis. »

Dans Le Figaro, Gérald Darmanin promet d’élargir le spectre du contrôle de l’État qui ne se limitera plus au terrorisme ou au radicalisme mais visera l’islam qui propage une idéologie séparatiste. Ou placer le curseur ? Le sujet inquiète. « Bien sûr, il reste du conservatisme religieux, voire de l’ultra conservatisme dans certaines mosquées, analyse le politologue Haoues Seniguer, de Sciences-Po Lyon. Mais il ne faut pas confondre cela avec une volonté de se séparer du reste de la société, voire de passer à l’action violente. »

Cette confusion, entretenue selon lui par l’exécutif, risque non seulement de peser sur la confiance des musulmans à son égard, mais aussi et surtout d’alimenter un climat de suspicion dans l’ensemble de la société. Dans ce contexte, Haoues Seniguer sent aujourd’hui monter « la lassitude et la colère », y compris chez des imams « plutôt loyalistes ». Ces derniers ont le sentiment que les efforts accomplis depuis 2015 ne sont pas reconnus. Après l’épisode sur la sécurité et la liberté de la presse, le ministre en charge des cultes joue à nouveau gros sur ce terrain.

La France compte aujourd’hui environ 2 600 salles de prière ou mosquées, selon une évaluation des services de renseignements. Seul un nombre très minoritaire pose question.

Depuis les attentats de 2015, 15 lieux de culte ont été fermés dans le cadre de l’état d’urgence puis huit sur la base de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Les services de l’État travaillent sur 76 lieux de culte sensibles : 16 en région parisienne, 60 sur le reste du territoire.

Tous les contrôles vont être renforcés sur ces établissements, et 18 sont susceptibles d’être prochainement fermés.

LA CROIX

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