La justice doit se prononcer,lundi après-midi, sur la sortie du film « Grâce à Dieu » de François Ozon, inspiré du combat mené par les victimes lyonnaises du prêtre Bernard Preynat, mis en examen pour agressions sexuelles sur mineurs.
Le cinéaste François Ozon et son long métrage « Grâce à Dieu », inspiré de faits réel dans lequel un prêtre est mis en cause nommément pour des actes de pédophilie, sont en attente du verdict du juge des référés du tribunal de grande instance de Paris. Ce dernier doit rendre lundi 18 février sa décision sur un éventuel report de la sortie du film, prévue mercredi prochain.
Le juge avait été saisi le 1er février par la défense d’un prêtre lyonnais, le père Bernard Preynat, mis en examen depuis février 2016 pour agressions sexuelles sur mineurs, placé sous le statut de témoin assisté concernant des faits de viols présumés sur trois autres mineurs, et qui pourrait être jugé en cette fin d’année. Sa demande : suspendre la sortie prévue mercredi prochain du long métrage, récompensé le 16 février à Berlin, jusqu’à la décision de son procès, en estimant que le film porte atteinte à sa présomption d’innocence.
« Grâce à Dieu » raconte la naissance de l’association de victimes « La Parole Libérée », fondée par d’anciens scouts lyonnais qui ont dénoncé les agissements de Bernard Preynat. Au total, l’association recense près de 85 victimes de ce prêtre. Le film suit trois d’entre elles, incarnées à l’écran par les acteurs Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud.
Dans son film, François Ozon a changé les noms des victimes, sauf celui du prêtre et ceux du cardinal Philippe Barbarin et de l’ancienne bénévole du diocèse Régine Maire, actuellement jugés pour ne pas avoir dénoncé à la justice les agissements du père Preynat. Régine Maire a de son côté mis en demeure François Ozon de retirer son nom du film. Son audience aura lieu lundi matin au tribunal de grande instance de Lyon.
« Nous faisons face à de grosses résistances »
Le festival du film de Berlin a décerné sa deuxième récompense majeure après l’Ours d’or à ce long métrage, tourné en secret l’an dernier. « Ce film essaie de rompre le silence d’institutions puissantes » sur ces affaires d’abus sexuels d’enfants, a déclaré le réalisateur français de 51 ans en recevant sa récompense. « Je veux partager ce prix avec les hommes libres qui m’ont inspiré » qui « ont été victimes d’un prêtre pédophile », a-t-il ajouté, ému, « Alexandre, François et Pierre-Emmanuel, vous êtes mes héros ».
Le sujet est en pleine actualité en France, alors que s’est tenu début janvier à Lyon le procès du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, et de cinq autres personnes pour non dénonciation d’agressions sexuelles pédophiles dans cette affaire, dite affaire Barbarin. Le jugement est attendu le 7 mars.
« Je ne sais pas si le film va pouvoir être projeté en France. Nous faisons face à de grosses résistances », a indiqué François Ozon lors d’une conférence de presse à Berlin, après avoir reçu son prix.
Le prolifique réalisateur de « Swimming Pool » et « Huit femmes », qui était pour la cinquième fois en compétition à Berlin, a expliqué que le film risquait d’être suspendu de projection jusqu’à la tenue du procès du père Preynat, fin 2019 ou en 2020. Dans ce cas, « ce serait une sorte de censure », a-t-il lancé.
« Mon film ne se place pas sur un aspect judiciaire, il se place sur l’aspect humain et sur la souffrance des victimes », a indiqué le réalisateur, qui a expliqué avoir pensé au départ « à tort » que les procès auraient lieu avant la sortie de son film.
Dans un entretien avec le quotidien Le Monde, François Ozon révèle qu’il a montré son film à la Conférence des évêques. « Nous avons eu des réactions très positives. Je crois que l’Église, y compris au plus haut niveau, est en train de prendre conscience du problème », a-t- confié.
Le cofondateur de l’association La Parole Libérée, François Devaux, incarné dans le film par Denis Ménochet, a estimé que ce film permettait de comprendre à quel point les victimes de pédophilie sont « des bombes à retardement ».
« Le gros intérêt de ce film, je crois, et donc de la fiction, c’est que François Ozon a pu prendre des libertés sur la mise en lumière de notre intimité et de nos réactions personnelles, ce qu’on ne s’est jamais autorisé à faire, au nom de l’intérêt commun », a-t-il déclaré à l’AFP.
France 24