Le Conseil national de sécurité nigérien vient de rendre publique une communication sur les événements tragiques du camp militaire de Chinagoder. Le gouvernement confirme le chiffre de 89 soldats tués lors des combats. Beaucoup de Nigériens n’ont pas compris ce long silence officiel sur le nombre de soldats tués.
Quatre jours après l’attaque du camp militaire de Chinagoder, à l’ouest du Niger, près de la frontière malienne, le Conseil national de sécurité a rendu un hommage aux 89 soldats morts officiellement lors des combats dans un communiqué lu à la radio publique nationale par le porte-parole du gouvernement, Zakaria Abdourahame. Le Conseil a réaffirmé sa détermination à lutter contre le terrorisme jusqu’à la victoire finale.
Soixante-dix-sept djihadistes ont été neutralisés à Chinagoder, selon Zakaria Abdourahame. La riposte des forces armées nigériennes, dit-on, a mis en déroute l’ennemi hors des frontières du Niger. Par la même occasion, un deuil de trois jours a été décrété à partir de ce lundi 13 janvier. Les drapeaux seront mis en berne sur toute l’étendue du territoire national.
L’opposition dénonce un manque de transparence
Dans l’opposition, certaines voix regrettent le manque de transparence dans la gestion de cette crise. « Nous sommes surtout choqués que sur un sujet extrêmement grave, le gouvernement du Niger ait procédé par la manipulation de l’information. C’est le sursaut des Nigériens, c’est leur résistance. Le refus de la banalisation de cette catastrophe qui a fait que le gouvernement a été obligé de reconnaître ce bilan de 89 militaires qu’il a enterrés dans des conditions irrespectueuses de leur sacrifice. Jusqu’au bout, ils ont caché la vérité. Jusqu’au bout, ils ont voulu banaliser, faire comme si de rien n’était, explique l’opposant Ibrahim Yacouba, qui dirige le Front patriotique. Il est temps que le gouvernement du Niger se remette en cause. Si nous sommes vraiment dans une démocratie, le président doit tirer les conséquences de son échec sécuritaire ».
Limogeages au sein de l’armée
Le lundi matin, le chef de l’État a décapité la hiérarchie militaire. Sur proposition du Conseil supérieur de la défense, un Conseil des ministres extraordinaire a entériné les décisions prises. C’est ainsi que le chef d’état-major général des forces armées, celui de l’armée de terre, et l’inspecteur général des armées ont été remerciés. Il en est de même pour le secrétaire général du ministère de la Défense nationale, le général Karingama. De sources concordantes, il leur est reproché de graves manquements au commandement suite aux deux défaites d’Inates et de Chinagoder qui ont totalisé 160 soldats tués.
Le nouveau chef d’état-major général des armées est le général Salifou Modi. Pour rehausser le moral la troupe qui a beaucoup perdu ces derniers temps, il faut, selon plusieurs sources revoir la stratégie de défense de l’armée. Pour mieux combattre les djihadistes rompus dans l’art de la guérilla, il faut, selon un fin connaisseur de la chose militaire, des troupes en perpétuels mouvements, il faut aller chercher l’ennemi sur ses positions, ajoute-t-il. « En terme de disposition morale, a précisé un officier général des forces armées nigériennes, l’équipe remerciée est décontenancée par la perte du soutien populaire : un atout de taille pour toute guerre. »
C’est dans ce contexte que le président s’est rendu dans la matinée au carré des martyrs pour s’incliner sur les tombes des 89 soldats de Chinagoder avant de prendre son avion pour le sommet de Pau.
De source bien informée, le président Mahamadou Issoufou ne manquera pas de poser la problématique de l’insécurité dans le nord du Mali. Depuis le début de la crise malienne, le Niger a toujours fait de cette question une affaire de politique intérieure. En effet, tous les malheurs qui ont été enregistrés aux frontières nord de la région de Tillaberi et de Tahoua proviennent, dit-on, des zones de Kidal, Akabar et Tabankort au Mali.
Source : RFI lundi 13 janvier 2020