Les restes infinitésimaux de Patrice Lumumba feront-ils leur « retour au pays natal » ? C’est ce que souhaite sa fille. Elle s’est adressée au roi des Belges…
« Reliques ». Le vocabulaire est religieux tant il évoque les éléments de dépouille de celui qui figure – avec Nelson Mandela ou Thomas Sankara – au panthéon des panafricains « sanctifiés ». Le terme est d’autant plus pertinent qu’il s’agit d’évoquer les restes rares d’une dépouille dissoute. Le corps de feu Patrice Emery Lumumba, assassiné le 17 janvier 1961 par des séparatistes katangais, avait été découpé et plongé dans l’acide sulfurique, selon les aveux du commissaire de police belge Gérard Soete.
Seuls témoignages présumés de l’intégrité physique de l’ancien Premier ministre congolais, deux dents et une phalange auraient été conservées par l’exécuteur des basses besognes post-coloniales. Comme un chasseur brandirait le croc d’un loup vaincu à la régulière, une dent en or avait même été dévoilée par la fille de Soete, lors d’une interview au magazine Humo. Indécente exhibition d’un trophée humain dans un pays censément civilisé…
À l’heure ou des activistes déboulonnent le marbre des louanges indécentes et tentent d’y graver quelque rectification historique, le moment est venu d’organiser le culte autour de fétiches mémoriels.
La responsabilité morale de la Belgique
L’heure a d’autant plus sonné que la République démocratique du Congo vient de dénombrer soixante années au compteur de son Indépendance Cha Cha, que le successeur et neveu du roi des Belges Baudouin vient d’exprimer « ses plus profonds regrets pour les blessures, souffrances et humiliations » infligées lors de la période coloniale et que 24 crânes de combattants algériens datant de la période coloniale viennent d’être restitués par la France.
En 2016, déjà, le sociologue belge Ludo De Witte, auteur d’un ouvrage sur l’assassinat de Patrice Lumumba, avait déposé plainte pour « recel » auprès de la police de la ville belge de Louvain, contre la fille de Gérard Soete. En 2001, la Belgique avait reconnu sa « responsabilité morale » dans la mort de l’homme politique congolais.
À cette démarche judiciaire vient désormais s’ajouter la requête diplomatique de la fille du martyr de l’indépendance congolaise. « Nous les enfants de Lumumba, nous la famille Lumumba, nous demandons le juste retour des reliques de Patrice Emery Lumumba sur la terre de ses ancêtres », écrivait Juliana Amato Lumumba au roi Philippe, le jour du 60e anniversaire de l’indépendance de l’ancienne colonie belge.
Sans autre forme de procès, la descendante de l’ancien Premier ministre assassiné évoque le caractère impérieux d’une sépulture digne du statut de héros de son père. Elle dénonce au passage « les déclarations abjectes, faites en Belgique, de détention de quelques-uns des restes » de l’icône des luttes anticoloniales.
En attendant de se réconcilier avec elle-même, la République démocratique du Congo pourrait achever un deuil vieux de six décennies.