Portrait
Un ivoirien en Malaisie, pays situé à des milliers de kilomètres de la Côte d’Ivoire et que beaucoup d’ivoiriens auraient du mal à situer sur la carte du monde et qui plus est, a acquis la nationalité de ce pays ? Ça ne court pas les rues et pourtant, Il en existe ! Cet ivoirien atypique n’est autre qu’Abdul Karim Touré natif de kolia au Nord de la Côte d’Ivoire. Ce dernier fait partie des rares ivoiriens, notamment des joueurs de football, allés monnayer leur talent dans cet endroit au bout du monde même si on dit que notre monde actuel est devenu un village planétaire.
En mission au sommet de l’OCI à Abidjan
Abdul Karim Touré, je l’ai rencontré pour la dernière fois en juillet 2017, au sommet des ministres des Affaires étrangères des pays membres l’Organisation de la Conférence Islamique(OCI) au Sofitel Hôtel ivoire à Abidjan. Il était en mission en compagnie du ministre des Affaires étrangères de la Malaisie dont il est l’ami. Cet ivoirien devenu malaisien par une des voies dont Dieu seul a le secret, enseigne la théologie, le coran et le tafsir (exégèse) à l’université publique UsimIe l’University Science Islam Malaysia de Kuala lumpur la capitale de la Malaisie.
Qui est cet homme qui vit dans une autre culture si différente de la nôtre avec en plus, une malaisienne comme épouse avec laquelle il a eu deux enfants et qui plus est, a acquis la nationalité malaisienne ? C’est à cette interrogation que nous allons essayer de répondrai à travers ce portrait
Le parcours d’Abdul Karim Touré en dehors de la Côte d’Ivoire débute en 1982 année où en tant qu’élève coranique, il quitte son pays pour le Koweït.
Dans ce pays, il continue les études secondaires, obtient le baccalauréat et poursuit des études à l’université. En 1991, la première guerre du Golfe le surprend avec l’invasion de ce pays par l’Irak de feu Saddam Hussein. Notre homme est donc obligé de revenir en Côte d’Ivoire Par la suite, après cette guerre, il va se retrouver en Malaisie Pour y poursuivre ses études.
Sandokan, le tigre de la Malaisie,
Pourquoi la Malaisie et non un autre pays.?
A cette question, il nous répond : «mon amour pour ce pays débute avec le film, Sandokan, le tigre de la Malaisie, feuilleton qui a m’a marqué pendant mon enfance .Dans ce film, j’ai été surtout marqué par le comportement d’un américaine, Marianne, qui a épousé par la suite Sandokan.»
Ce premier amour sera renforcé par sa cohabitation avec des étudiants malaisien qu’il fréquentait sur le campus de son université au Koweït : « nous dormions ensemble, sortions ensemble .Et une fois, je leur ai dit que j’irais dans leur pays »
C’est ainsi que pour la première fois il s’y rend en 1988 pour y passer les vacances : « au Koweït, les étudiants bénéficiaient chaque année de billets d’avions qui leur permettaient de voyager à travers le monde. J’’ai donc choisi d’aller visiter l’univers de ce personnage qui me fascinait. J’y suis donc allé en visitant d’abord Singapour puis la Thaïlande»
Coup de foudre pour la Malaisie.
A la découverte de la Malaisie, ce fut le grand amour : « dès que j’y ai mis les pieds, j’ai eu le coup de foudre aussi bien pour le pays que pour ses habitants. J’ai surtout été séduit par leur système universitaire notamment en visitant l’islamic international university, une des universités islamiques les plus prestigieuses à travers le monde.»
Après la première guerre du Golfe, Abdul Karim s’installe donc en Malaisie où il obtient la maîtrise .Par la suite, il s’adonne à ses études jusqu’à y obtenir le doctorat en théologie et en sciences islamiques Il prend donc racine au pays de Sandokan où grâce à son doctorat, il est recruté à UsimIe l’University Science Islam of Malaysia où il exerce actuellement.
Une intégration facile
Concernant son intégration dans son nouvel univers de même que ses relations avec les gens de son nouveau pays, il répond : «mon intégration n’a pas été difficile. les Malaisiens sont un peuple accueillant comme les Africains. D’ailleurs, J’ai un livre produit par un scientifique Malaisien qui a fait des recherches et qui a conclu en fin de compte que l’origine des Malais relève de l’Afrique noire alors que de nombreuses hypothèses les rattachaient à l’Inde ou aux pays arabes du golfe arabo-persique ».
Malgré tout, il a tenu à préciser que ceux-ci sont réservés quand ils ne connaissent pas leur interlocuteur.
Dans son élan, Abdul Karim nous fait savoir qu’en Malaisie on distingue trois races notamment, les autochtones malais, les Chinois et les Hindous.
Et d’ajouter : «en Malaisie, il y a des peuples bronzés qu’on peut même confondre à des Noirs. Il faut tout même signaler qu’.aujourd’hui, il y a des mélanges liés à la colonisation. Les Anglais qui ont occupé le pays ont fait venir il y a plus de 100 ans, des Chinois des Hindous dans les plantations des colons. Ces derniers ont fini par se mélanger aux autochtones donnant lieu à de nombreux métissages »
Marié à la sœur de l’épouse à son meilleur ami.
Pour confirmer ses propos, il affirme que lui s’est marié à une Malaisienne bon teint sans problème. Celle –ci, est la sœur de l’épouse à son meilleur ami. En effet, ce dernier un jour par boutade lui a dit qu’il devrait se marier .Et comme réponse à cette boutade, il lui a demandé de lui trouver une malaisienne comme épouse. C’est ainsi que celui-ci l’a mis en contact avec la propre sœur à son épouse en lui donnant son numéro de téléphone. Cette dernière était en médecine et lui en théologie :«il m’a donné son numéro de téléphone et je l’ai appelée sans grande conviction plus pour tenir la promesse que j’avais faite à mon ami. Nous avons causé tout juste pendant deux minutes. C’est après le deuxième coup de fil que j’ai pris l’affaire au sérieux et c’est ainsi que nous sommes entrés en contact, ce qui a abouti au mariage»
Un peuple loin d’être raciste
Comme pour enfoncer le clou, il affirme : «pour vous dire que les Malaisiens sont loin d’être racistes, l’oncle de mon épouse a facilité les procédures du mariage sans tenir compte du fait que je sois négro-africain ou pas. Les Malaisiens ne tiennent pas compte de toutes ces considérations ; ils respectent tout le monde pourvu que vous les respectiez.»
Obtention de la nationalité malaisienne sans problème
De ce mariage sont nés un garçon et une fille qui ont la nationalité malaisienne
D’ailleurs, il a lui-même obtenu la nationalité sans problème étant donné qu’il a épousé une malaisienne avec laquelle il a eu deux enfants. C’est d’ailleurs son beau-frère qui lui a suggéré de se naturaliser vu le fait qu’il était en Malaisie depuis plusieurs années : «j’ai effectué la demande avec les documents requis sans conviction. En plus, je n’ai même pas suivi mon dossier. A ma grande surprise, on m’appelle pour me dire de venir chercher mon certificat de nationalité.»
Beaucoup de prix à l’université comme meilleur enseignant
A la question de savoir si ses étudiants l’appréciaient et si son statut de Noir ne posait pas problème, sa réponse a été sans ambages : «pratiquement tous les ans, j’ai le certificat de meilleur professeur de ma faculté. Chaque année on est évalué par les étudiants et par l’administration. J’ai eu pas mal de winning awards rom of the university depuis que j’enseigne à l’université ».
Quand je lui ai posé la question d’établir un rapport entre la Côte d’Ivoires et la Malaisie, il a tiqué un peu gêné par cette question, mais sa réponse a été claire à ce niveau : « Sachez que je viens régulièrement au pays même si je ne dure pas. Quand on quitte un pays pour aller dans un autre, on a toujours tendance à faire des comparaisons Ce qui m’a marqué ici en Côte d’ivoire, c’est le manque de discipline, le laxisme et le non-respect des biens publics».
Mahatir Mohamed.
Pour lui, les Malaisiens sont travailleurs et disciplinés. Cela se remarque par leur niveau de développement qui est formidable même s’il n’atteint pas encore selon lui ceux du Japon et de la Chine. Cependant pour en arriver là, il a fallu un leader éclairé en la personne de Mahatir Mohamed.
Au sujet de cet homme à qui il voue un véritable respect, il affirme qu’il a fait progresser la Malaisie. Selon ses explications, cet homme politique a déclaré lors d’une émission à la télévision, qu’un jour étant fatigué, il a voulu se détendre. Il sort de son bureau et trouve tous les bureaux pratiquement vides. Il demande aux personnes présentes, la cause de cette absence en grand nombre de ses collaborateurs On lui répond que les absents sont tous rentrés à domicile par peur des embouteillages. A partir de ce constat, Mahatir Mohamed alors premier ministre, a créé des pantchings, c’est-à-dire les cartes qui permettent de marquer les heures d’arrivée et de départ des bureaux en Malaisie si bien qu’à la fin du mois, on évalue la présence de l’individu à son lieu de travail et on le paye en conséquence. Cette stratégie lui a évité de faire des palabres. En conclusion, pour Abdul Karim : «on a toujours besoin d’un leader pour mettre de l’ordre et changer les habitudes des populations. »
Choqué par les gens qui urinent partout en Côte d’Ivoire
Par-dessus tout, ce qui le choque le plus quand il vient au pays, c’est le non-respect de l’environnement : « je suis surpris par le fait de voir les ordures partout. Je me sens mal à l’aise quand je vois les gens qui jettent les peaux de banane à partir des voitures personnelles comme des gbakas (minicars). Le pire c’est que les gens urinent partout dans les rues, sur les murs des maisons, dans les jardins publiques. Les gens urinent même en plein Plateau au vu et au su de tous .En Malaisie cela est inimaginable.»
Au sujet de l’avenir de la Côte d’Ivoire, il se dit confiant compte tenu des infrastructures qui sortent de terre et surtout au vu des efforts que le Président Ouattara et le gouvernement abattent au niveau de l’Education .Pour lui: «la Côte d’Ivoire est sur la bonne voie .En mettant l’accent sur l’Education ,on acquiert une bonne main d’œuvre. D’ailleurs, c’est cette politique que les pays asiatiques ont entreprise et qui leur a permis d’atteindre leur niveau de Développement actuel »
A cet effet, au moment au moment de nous séparer, il a émis le souhait de voir son pays d’origine adopter des mesures draconiennes pour faire respecter des valeurs comme l’assiduité au travail, la ponctualité et surtout, le respect de l’environnement qui l’ont séduit dans tous les pays d’Asie du Sud –est qu’il a visités
kemebrama@hotmal.com