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ALGERIE : « LA CRISE AU PARLEMENT EST LIEE A LA SUCCESSION DE BOUTEFLIKA »

Dès mercredi, l’Assemblée populaire nationale pourrait avoir deux présidents à sa tête. Des députés majoritaires ont en effet décidé de désigner un nouveau président alors même que l’actuel chef, Saïd Bouhadja, refuse de céder le pouvoir.

Rien de ne va plus au sein du Parlement algérien. Depuis fin septembre, l’opinion publique algérienne assiste, médusée, à la plus grave crise politique depuis l’élection du président Abdelaziz Bouteflika il ya presque 20 ans. En effet, les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) ne veulent plus de l’actuel président Saïd Bouhadja et ont décidé de désigner, mercredi 24 octobre, un nouveau chef de la Chambre basse. De son côté, Saïd Bouhadja n’envisage pas de démissionner.

Le 16 octobre, les députés avaient déjà voulu précipiter sa révocation : ils avaient bloqué l’accès à ses bureaux en cadenassant l’entrée principale du bâtiment. Et mercredi dernier, le bureau de l’Assemblée nationale est allé plus loin en constatant et validant la vacance du poste du président et convoquant une assemblée plénière afin de lui trouver un successeur.

Une procédure non recevable

« Une démarche totalement illégale », note Farid Alilat, journaliste à Jeune Afrique spécialiste de la politique algérienne. Si l’on se penche sur l’article 10 du règlement intérieur de l’Assemblée populaire nationale, la vacance du poste de la présidence de l’APN ne peut être constatée que dans quatre cas précis : une démission, une incapacité (physique ou mentale, NDLR), un décès ou une incompatibilité (avec d’autres fonctions par exemple, NDLR). Or, la situation de l’actuel président ne répond à aucun de ces cas de figure.

« C’est une situation inédite, poursuit le spécialiste de l’Algérie. C’est la première fois depuis l’arrivée au pouvoir de Bouteflika en 1999 qu’il y a une crise de cette ampleur au sein de l’Assemblée nationale. Première fois que l’on remet en cause la présidence de l’APN. Première fois que les portes de l’APN sont cadenassées pour empêcher le président de l’Assemblée d’accéder à son bureau. Première fois que la majorité présidentielle décide de démettre le président de ses fonctions. »

Des raisons obscures

Cinq groupes parlementaires exigent son départ. Parmi eux, le Front de libération nationale (FLN) du chef de l’État et le Rassemblement national démocratique (RND) du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, détenteurs à eux deux de la majorité absolue. Le chef du gouvernement en personne et le secrétaire général du FLN, Djamel Ould Abbès, ont eux aussi publiquement réclamé la démission du président de l’APN.

Que lui reprochent ses détracteurs ? Saïd Bouhadja attribue ses déboires à sa décision de limoger fin septembre le secrétaire général de l’Assemblée, Bachir Slimani, réputé proche de certains caciques du FLN. Les députés qui lui sont hostiles mettent également en avant sa mauvaise gestion, des dépenses exagérées et illicites et un recrutement douteux.

Mais les motifs réels de cette crise restent flous. « On a du mal à croire qu’il soit subitement impossible pour des députés de travailler avec le président qu’ils ont eux-mêmes élu il y a un an. Il y a d’autres raisons qui expliquent cette volonté de le renvoyer du pouvoir. On peut penser qu’il gêne certains intérêts », estime Farid Alilat.

Deux présidents d’Assemblée

Si rien n’entrave la procédure lancée par les parlementaires, l’Assemblée populaire nationale algérienne aura deux présidents, l’un élu en mai 2017, Saïd Bouhadja, et l’autre qui sera désigné par la majorité mercredi.

Dès lors, les feux de la crise politique ne devraient pas s’éteindre de sitôt et plusieurs scénarios restent possibles. Il est fort à parier que les députés réfractaires au limogeage de Saïd Bouhadja ne reconnaissent pas la légitimité du nouveau président. Plusieurs partis d’opposition se sont déjà insurgés contre le blocage de l’APN, dénonçant une atteinte aux institutions. Ahmed Sadok, président du groupe d’opposition parlementaire du Mouvement de la société pour la Paix, a lui fustigé une « action qui ne fait honneur ni aux députés, ni au Parlement, ni à l’image du pays ». Et de poursuivre, « si les députés de la majorité ne veulent plus travailler avec Bouhadja (…), il faut que leur action soit légale. Pour le moment, il n’y a rien qui l’empêche d’assumer ses fonctions ».

« Consternation générale »

On peut également imaginer que le chef de l’État Abdelaziz Bouteflika sorte de son silence et maintienne l’actuel président dans ses fonctions. Dans ce cas, il sera difficile d’imaginer que les députés hostiles à Saïd Bouhadja rentrent dans le rang. Autre possibilité, le président peut décider de dissoudre l’Assemblée, ce qui entrainerait la tenue d’élections législatives anticipées.

Quoi qu’il en soit, Farid Alilat y voit là plus qu’un simple désaccord politique. « Il ne s’agit pas d’une crise politique mais d’une crise qui touche toute majorité présidentielle. C’est une crise de fin de cycle. Si le président Bouteflika exerçait pleinement son pouvoir, cette crise n’aurait pas lieu. Cette crise est liée à la succession du chef de l’État. »

Une chose est sûre, déplore le journaliste, « il y a une véritable incompréhension et une grande consternation générale de l’opinion publique algérienne ».

France 24

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