Le groupe fondamentaliste multiplie les offensives, alors que le retrait de la coalition internationale se poursuit et que le président afghan Ashraf Ghani a rencontré Joe Biden le vendredi 25 juin, à la Maison-Blanche.
50 des 387 districts du pays seraient aux mains des Talibans
Au milieu d’une avalanche de nouvelles sur des offensives talibanes à travers l’Afghanistan, un chiffre, dans la bouche de la représentante spéciale de l’ONU, Deborah Lyons, a claqué comme un présage d’apocalypse : le groupe fondamentaliste aurait, depuis le mois de mai, mis la main sur 50 des 387 districts du pays. Des victoires largement relayées sur les réseaux sociaux par les talibans eux-mêmes, alors que le président afghan Ashraf Ghani doit rencontrer Joe Biden ce vendredi 25 juin à la Maison-Blanche.
Kaboul a reconnu en début de semaine avoir perdu un pont stratégique à la frontière tadjike, forçant 134 soldats afghans à se réfugier au Tadjikistan face à l’assaut taliban. Au même moment, des soldats du groupe fondamentaliste pénétraient les faubourgs de Kunduz, capitale provinciale de 250 000 habitants dans le nord du pays, après des affrontements ayant forcé près de 35 000 civils à fuir. Des combats se dérouleraient au même moment dans près de 80 districts du pays.
La crainte d’une prophétie auto réalisatrice
La situation reste pourtant confuse, alors que Kaboul assure que des opérations sont en cours pour récupérer les districts capturés par les talibans. « Tout le monde parle des talibans qui capturent des districts, mais personne ne dit lorsque nous les récupérons » s’agace depuis Kaboul le colonel Naweed Kawusi, officier de la police afghane. Pour les autorités afghanes, la crainte est aujourd’hui que le récit, encouragé par les talibans, d’un État au bord de l’effondrement ne se transforme en prophétie auto réalisatrice.
Sur le terrain, « le gouvernement afghan minimise ses pertes sur le champ de bataille, tandis que les talibans diffusent une propagande qui exagère ses gains » juge Adam Weinstein, spécialiste de l’Afghanistan et du Pakistan et chercheur à l’Institut Quincy, un centre de réflexion américain.
Bataille de l’information
Dans le chaos des affrontements, des assauts et des contre-attaques, la capacité des talibans à tenir les territoires qu’ils ont saisis représente « la principale question » estime Jonathan Schroden, directeur de programme au think tank américain CNA. « Il faut savoir si les talibans restent dans ces districts, je n’ai pas l’impression que c’est le cas mais c’est difficile à discerner, en partie parce que tout se passe tellement vite » note-t-il. Les informations fiables restent, elles, très parcellaires.
Près de 9 600 soldats étrangers envoie de départ
La bataille de l’information est cruciale pour le gouvernement afghan, alors que les près de 9 600 soldats étrangers de la mission « Resolute Support » auront quitté le pays à la fin de l’été. « En Afghanistan, le succès militaire est une question de dynamique et de ce que les gens perçoivent autant que de ce qu’il se passe réellement », note Jonathan Schroden. La perception d’un pouvoir afghan incapable de résister aux offensives talibanes a déjà poussé plusieurs groupes à travers le pays à prendre les armes pour former des milices anti-Talibans. En visite à Washington, le président afghan Ashraf Ghani espérera, lui, obtenir des États-Unis un soutien financier et militaire, au-delà du retrait des troupes étrangères.
Fabrice Deprez, in Lacroix