vendredi, avril 19, 2024
Accueil > Actualités > FORCES ARMÉES, LA DÉFIANCE ET LE DISCRÉDIT GAGNENT LES ESPRITS DANS LE SAHEL

FORCES ARMÉES, LA DÉFIANCE ET LE DISCRÉDIT GAGNENT LES ESPRITS DANS LE SAHEL

Les forces de sécurités n’épargnent pas les civils dans leur lutte contre le terrorisme djihadiste, comme au Burkina. Au Niger, le ministère de la défense est au cœur d’un scandale financier.

Ils sont venus exprimer leur colère et leur désir de justice face aux violences dont ils sont les victimes. Après un week-end sanglant au Burkina Faso, où une cinquantaine de personnes ont été tuées dans différentes attaques attribuées aux djihadistes, plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées à Pama, la capitale de la province de Kompienga (dans l’Est du pays), pour manifester contre les exactions commises par les groupes armés mais aussi par les forces de l’ordre, ce 1er juin.

Une population prise en étau

« Ils sont pris dans un étau », explique à La Croix Edouard Samboé, journaliste au Faso.net, « d’un côté les groupes terroristes, de l’autre les forces de l’ordre. Les premiers tuent et pillent en plein jours sans être inquiétés par les seconds. Les seconds sont non seulement accusés d’être passifs mais en plus, ils commentent des exécutions extrajudiciaires. Ils ont tué dans la région des complices présumés des premiers. »

Premières victimes des forces de sécurités de ce pays membre du G5 Sahel – la force conjointe appuyée par la France qui réunit la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad dans la lutte antiterroriste -, les Peuls ont le malheur d’être associés aux groupes terroristes, au Burkina comme au Mali. À ce titre, ils paient le prix fort dans la lutte antiterroriste dans la région.

Les prisons, lieux d’exécution

Les suspects peuvent être aussi assassinés en prison, comme le 11 mai, dans une cellule de Tanwalbougou, dans l’Est : 12 tués, d’une balle dans la tête. Un mois plus tôt, 31 autres suspects avaient été exécutés à Djibo (200 kilomètres au nord de la capitale Ouagadougou), le 9 avril…

À propos de cette dernière tuerie, l’ONG Human Right Watch (HRW) constatait que « des dizaines de membres des forces de sécurité ont été impliquées dans l’opération du 9 avril (…). Les victimes ont été interpellées dans plusieurs quartiers ou « secteurs », alors qu’elles étaient en train d’abreuver leur bétail, de marcher ou étaient assises devant leurs domiciles. » Elles ont été placées « à bord d’un convoi formé d’une dizaine de véhicules militaires, dont des camionnettes, une voiture blindée et des motos ». Et plus tard, des villageois ont retrouvé « les corps de 31 hommes qui avaient été vus pour la dernière fois sous la garde des forces de sécurité. Plusieurs d’entre eux avaient les yeux ou les mains liés. »

Échec de l’opération Otapoanu

L’exaspération de la population dans l’Est est d’autant plus grande qu’elle est « soumise à un couvre-feu depuis 15 mois et que l’Opération Otapoanu (Foudre) conduite en mars et avril 2019 avait été présentée comme une victoire sur les terroristes de l’est », souligne Edouard Samboé.

Les propos tenus par le chef d’état-major général des armées Moïse Miningou, pour saluer le succès de cette opération il y a un an, sonnent douloureusement creux aujourd’hui : Otapoanu avait permis, disait-il, de « redonner un grand espoir aux populations des régions l’Est et du Centre-Est et d’accroître leur confiance en l’État ». « Notre mission principale c’était restaurer l’autorité de l’État dans la zone. Nous pensons avoir atteint cet objectif qui était fixé. »

Au Niger, scandale de corruption au cœur du ministère de la défense

Un an après, donc, il n’en est rien. La région est largement dominée par les groupes djihadistes, la population le sait et elle n’hésite plus à le faire savoir. Parmi les soupçons et les scandales qui sapent la confiance de la population dans son armée, les affaires de corruption.

Au Niger, autre pays du G5 Sahel, le ministère de la défense est soupçonné d’avoir détourné 110 millions d’Euros, au détriment de l’État, comme l’a révélé le Monde Afrique, le 26 mai dernier. Le site d’information s’est procuré le rapport d’enquête de l’Inspection générale des armées sur les marchés publics du ministère de la défense du Niger. L’enquête révèle un « système organisé de surfacturation ayant opéré depuis 2014 », mais aussi des contrats fictifs, la non-livraison de matériel. Plusieurs personnalités ont été entendues dans le cadre de cette enquête, comme l’ex-secrétaire général du ministère de la défense, le général Karingama, ou le colonel-major Boulama, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, tous les deux récemment limogés.

Pour le moment, aucune poursuite judiciaire n’a été entamée par la justice nigérienne. Selon Radio France international, ces révélations pourraient être déposées « sur le bureau du procureur la semaine prochaine. C’est lui qui décidera alors de la suite à donner et qui dira s’il est opportun de saisir un juge d’instruction. »

Le Burkina Faso s’enfonce dans l’insécurité

Ces derniers jours, trois actions djihadistes dans le nord et l’est du pays ont provoqué la mort d’au moins 55

Laurent Larcher, in  Lacroix, le 05/06/2020 à 11:51

 

Laisser un commentaire