137 sièges du RHDP contre 91 de l’opposition sur 255
Le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire a remporté les législatives du 6 mars, avec 137 sièges sur 255 contre 91 aux partis d’opposition, selon les résultats publiés mardi par la Commission électorale indépendante (CEI) à l’issue d’un scrutin relativement épargné par les violences. Il faudrait certainement attendre les résultats définitifs après la phase des recours pour avoir une photographie précise, d’autant plus que du côté du pouvoir certains responsables du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) qui se sont présentés en indépendants contre l’avis du parti pourraient finalement rallier le camp présidentiel. « Nous constatons que le RHDP est le parti le plus représentatif de la Côte d’Ivoire. Nous avons des élus sur l’ensemble du territoire dans toutes les régions. C’est une satisfaction [?] que ces élections aient tenu toutes ces promesses, la participation de tous les acteurs, l’apaisement, la transparence, le calme » s’est félicité Adama Bictogo, numéro deux du RHDP.
La victoire du RHDP
Pour l’instant, si on regarde les résultats en l’état actuel, le RHDP perd la majorité qualifiée des deux tiers qu’il possédait depuis les dernières législatives, en décembre 2016 avec ses 167 élus, quand il regroupait le parti du président Alassane Ouattara et le PDCI de l’ex-président Henri Konan Bédié, plus ceux de ses alliés. Parmi les personnalités du RHDP élues figure Patrick Achi, ancien secrétaire général de la présidence, nommé lundi Premier ministre par intérim pour remplacer le titulaire du poste Hamed Bakayoko décédé en Allemagne le 10 mars Malgré son absence, Hamed Bakayoko a été élu à Séguéla (Nord). Le RHDP l’emporte aussi à Abobo, autre grande commune populaire d’Abidjan, et s’empare de plusieurs anciens fiefs du PDCI, dont la capitale administrative Yamoussoukro (centre) et la station balnéaire de Grand Bassam (Sud).
Le retour des pro-Gbagbo dans le jeu électoral
Au-delà de ce premier résultat brut, il y a le contexte : en effet, le scrutin s’est déroulé sans violence, contrairement à la présidentielle d’octobre. Un fait qui augure une normalisation de la vie politique dans un pays à l’histoire marquée par de fortes tensions et des violences électorales.
Et pour cause, ce scrutin a été inédit car véritablement inclusif avec la participation pour la première fois depuis 1995 de l’ensemble des principales formations politiques du pays. Il a marqué le retour du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo, pièce maîtresse de la coalition Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS) qui avait fait alliance avec le PDCI dans une majorité des 204 circonscriptions. Michel Gbagbo, universitaire et fils aîné de Laurent, l’emporte dans la commune de Yopougon à Abidjan, la plus grande de tout le pays avec près de 500 000 électeurs sur 7,4 millions, et ancien fief de l’ex-président, que la coalition PDCI-EDS a réussi à reprendre au RHDP. « C’est un bonheur », a-t-il déclaré à l’AFP, ajoutant : « Nous allons essayer de consolider ce processus de démocratisation de la vie politique, dans l’objectif de pouvoir atteindre une paix durable ».
Laurent Gbagbo s’est quant à lui « félicité de l’élection de certains (des cadres du FPI) à l’Assemblée , rappelant l’ancrage de son parti à une ?gauche socialiste, panafricaniste et qui lutte pour la construction d’un État démocratique, laïc, solidaire, multiethnique et multiracial ». Son allié, l’ancien président Henri Konan Bédié, dénonçait, lui « des résultats provisoires émaillés de tricheries, de tripatouillages et de manipulations » dans plusieurs circonscriptions importantes comme Yopougon à Abidjan, Port-Bouët et Yamoussoukro.
Les autres partis d’opposition se partagent 10 sièges, les indépendants en obtenant 26. Un siège n’a pas été pourvu du fait du décès d’une candidate suppléante, l’Assemblée comptant au total 255 députés. L’élection dans cette circonscription de Tortiya (Nord) aura lieu dans un délai d’un mois, selon la CEI.
Malgré des alliances, l’opposition n’a pas renversé la vapeur
L’opposition, même si elle parvient à rééquilibrer les forces au sein du Parlement, n’est pas parvenue à ses fins d’obtenir la majorité pour éviter « la constitution d’un pouvoir absolu » du président Ouattara et de son parti. D’autant plus que l’élection n’a pas drainé les foules. Le taux de participation à ces législatives à un tour s’est élevé à 37,88 %, soit un taux équivalent à celles de 2016.
La victoire du RHDP devrait lui permettre de continuer à soutenir la politique de « réformes » du chef de l’État, réélu en octobre 2020 pour un troisième mandat controversé. Sa réélection avec plus de 94 % des voix, lors d’un scrutin boycotté par l’opposition, a été marquée par des violences tout au long de la période électorale, qui ont fait 87 morts.
Le chef de l’État entend poursuivre également la politique de « réconciliation nationale » dont l’un des signes forts serait le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire. Acquitté en première instance de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) pour son rôle présumé dans des violences électorales qui avaient fait quelque 3 000 morts en 2011, Laurent Gbagbo a annoncé ce retour pour « bientôt ». La CPI l’a autorisé à quitter la Belgique, où il réside depuis sa libération conditionnelle en janvier 2019, dans l’attente d’un éventuel appel de la procureure de la CPI.
Par Le Point Afrique