MÉMOIRE DE LA OUMA
Dans le cadre de nos articles sur les personnes qui ont marqué l’histoire de l’islam en Côte d’Ivoire, nous allons nous appesantir sur la vie de feu El Hadj Anzoumana SYLLA, 6ème imam de la grande mosquée de Dougouba de Bouaké, de 1951 à 1982.
Il est bon de signaler que cet article que nous mettons en ligne est extrait de Facebook sur la page destinée au saint homme et intitulé « feu el hadj anzoumana Sylla ». Notre rôle consiste seulement à vulgariser l’histoire de cet ami de Dieu
Pour faciliter la lecture de ce document assez long, nous allons le scinder en trois parties
PREMIÈRE PARTIE : DE LA NAISSANCE A L’IMAMAT
Qui est-il ?
Dans quelles conditions est-il devenu imam ?
Pourquoi certains pensent qu’il est un personnage assez particulier?
Naissance et Formation religieuse
Anzoumana Sylla est né en 1893 à Tiémé. Il passe la majeure partie de son enfance aux côtés de sa mère, Fatoumata Sylla, de ses frères, Ladji Karamoko Sylla, Almamy Sylla et de sa sœur Matokoman Sylla. C’est lorsqu’il entrait dans sa huitième année qu’il débuta sa formation religieuse. Ses parents l’envoyèrent étudier à Odienné ville auprès d’un grand maître soufi du nom de Cheikh Ismaël Sy Savané. Très tôt, il est initié au soufisme, à la tijâniyya, au secret du mysticisme et apprend à vivre dans l’Amour de Dieu en consacrant tout son être à satisfaire non seulement son maître mais aussi et surtout à plaire à Allah
20 ans auprès de son maître. Cheikh Ismaël Sy Savané
Il poursuit cet enseignement assez particulier pendant une quinzaine d’années et en toute soumission. Au bout de ces quinze années de formation purement spirituelle, il demande la permission à son maître pour retourner dans son village natal. Son maître décide de l’accompagner. Mais sur le chemin, Anzoumana Sylla constate amèrement que son départ affecte beaucoup son maître. Alors, compte tenu de la grande estime qu’il avait pour ce dernier, il décide de retourner avec celui-ci à Odienné. Il y passera encore cinq bonnes années aux côtés de son maître, qu’il respectera tout au long de son apprentissage.
11 ans d’études à Tohoulé (Mankono) chez vamé Cissé
Pour la quête du savoir, d’Odienné à Mankono, il n’y a qu’un pas… Après ces cinq années supplémentaires, le Cheikh Ismaël Sy Savané l’autorise finalement à partir mais en lui recommandant d’aller approfondir l’étude du Coran à Mankono chez Vassé Cissé, un maître très versé dans les sciences coraniques. Cherchant toujours à accroître son savoir, Anzoumana Sylla quitte alors Odienné pour Mankono, plus précisément pour le village de Tohoulé, réputé pour son érudition. Là, auprès de Vassé Cissé, il apprend le commentaire du Coran (tafsir), le droit islamique (fiqh), la théologie, la littérature arabe et maîtrise désormais de nombreux hadiths. Pendant onze ans, il se consacra à cet enseignement. Voyage à Bouaké pour diffuser le savoir islamique… Lorsque son maître décède, il demande la permission aux parents de celui-ci pour rejoindre quelques membres de sa famille à Bouaké qui l’attendaient impatiemment pour bénéficier de son enseignement.
Installation à Bouaké avec 20 élèves
Quelques années plus tard, Anzoumana Sylla débarque à Bouaké avec une vingtaine d’élèves et se rend par la suite à Marabadiassa où il s’installe. Mais ses parents installés à Bouaké, trouvent son absence insupportable et décident d’aller le chercher. A son arrivée à Bouaké, il élira domicile dans le quartier Koko chez l’un de ses grands-frères et amis, Ladji Mafringa Coulibaly qui tenait une petite école coranique. Dans ce temple du savoir, Anzoumana Sylla enseigne le Coran. Son ardeur au travail et son érudition firent accru le nombre de ses élèves qui venaient de partout. Ainsi, de concert avec son tuteur, un terrain fut trouvé dans le quartier Koko où ils bâtirent une grande école islamique.
Mode de vie ascétique à Bouaké
Malgré son affiliation à la tarîqa tijanide, il ne laissait apparaître aucun signe pouvant le distinguer des autres musulmans. Son expérience du soufisme fit qu’il habitait dans une case assez modeste qu’il ne voulait quitter en aucun cas et dormait sur une natte, malgré sa renommée. Plus tard, on lui fit construire une maison en dur. Il s’habillait toujours dans du tissu de cotonnade en toute simplicité.
1949: pèlerinage à la Mecque à Pied
En 1949 ou 1950, Anzoumana Sylla part par voie terrestre au pèlerinage à la Mecque. A son retour au pays, il prend le titre de « El Hadj » ou « Ladji », en langue dioula. Bouaké, cité commerciale et religieuse… La ville de Bouaké avait la particularité d’être un carrefour commercial qui accueillait non seulement des commerçants mais aussi de grands érudits. Au cours de la période coloniale en effet, Bouaké, ville nouvelle en pleine expansion et zone charnière, fut un carrefour commercial où les échanges entre le Soudan, la Haute Volta, la Guinée et le nord de la Côte d’Ivoire, furent très actifs. De là, l’accroissement rapide de la population de Bouaké et son développement économique spectaculaire sont en grande partie, liés à l’arrivée du chemin de fer en 1912 qui sera suivie par la fixation de nombreux commerçants musulmans. Ces musulmans sont originaires de la Haute Volta (Dafing et Mossi), du Mali (Toucouleur et Bambara), du Niger (Zerma et Haoussa), du nord de la Côte d’Ivoire (Dioula, Sénoufo) et de la Guinée. Ce sont les grands érudits Dafing qui géraient la grande mosquée de Dougouba.
A partir de 1946 divergences entre wahhabites et Malékites à Bouaké
Mais à partir de 1946, les prêches d’El Hadj Tiékoro Kamagaté sur le retour à une pratique islamique purifiée, le rejet de l’autorité des marabouts allaient bientôt scinder la communauté musulmane entre ceux qui prient « bras croisés » qualifiés de wahhabites et ceux qui prient « bras ballants », constitués de la grande masse des fidèles.
1951: Alpha Kabiné Diané (wahhabite) nommé grand imam de Bouaké
Si les premières disputes ont commencé en 1946, c’est en 1951 qu’elles prendront à Bouaké un tournant décisif. Les adeptes wahhabites devenaient relativement importants au point qu’un des leurs Kabiné Diané fut nommé imam pour diriger la prière du vendredi après-midi. Kabiné Diané occupait en effet déjà le poste d’imam de la grande mosquée de Dougouba en 1946 ; mais il priait les bras ballants. De retour du pèlerinage à la Mecque en 1951, il commença à croiser les bras. Ce qui provoqua le courroux des autres musulmans qui refusèrent de prier d’après eux, derrière un imam qui croise maintenant les bras.
Violences entre wahhabites et malékites à Bouaké
Les divergences à ce sujet se transformèrent en violences verbales, puis dégénérèrent en violences physiques ; et la mosquée due être fermée une seconde fois par la police pendant près de 6 mois. Les ondes de chocs de cette confrontation ouverte secouèrent fortement la communauté : il y a eu des divorces un peu partout, des liens de parentés ont été parfois rompus ; la représentativité des responsables religieux traditionnels étant contestée fortement par les réformistes wahhabites.
A la recherche d’un imam consensuel
C’est dans cette atmosphère que des membres de la communauté proposèrent El Hadj Anzoumana Sylla au poste d’imam. Mais celui-ci refusa ce choix porté sur sa personne à plusieurs reprises prétextant que l’imamat était une lourde charge, une lourde responsabilité qu’il ne pouvait pas accepter. C’est ainsi que des fidèles se rendirent chez le commandant de cercle, Jean Ramandier pour leur faire part de leur doléance. Ce dernier qui souhaite calmer une bonne fois les tensions, se rendit donc chez Anzoumana Sylla pour l’obliger à accepter la proposition des fidèles musulmans ou il se verra dans l’obligation de l’expulser de Bouaké.
El hadj Anzoumana Touré, l’imam Consensuel
Lors d’une réunion en présence des musulmans et du commandant de cercle Jean Ramandier, un compromis fut trouvé autour de la personne d’El Hadj Anzoumana Sylla. Ce dernier priait les bras ballants mais la sagesse dont il faisait preuve, attira la sympathie des Musulmans de toutes les tendances. Ainsi comme à son accoutumée, El Hadj Anzoumana Sylla parcourait chaque jour, de sa cour au quartier Koko (Bouaké) à la grande mosquée de Dougouba, et avec ses élèves, près d’un kilomètre et demi, pour aller répondre de ses obligations rituelles.
Le rassembleur de la communauté musulmane de Dougouba
Dans la gestion de sa communauté, il ne faisait pas de distinction ethnique ou religieuse. Il a mis sur un pied d’égalité toutes les nationalités, mauritanienne, sénégalaise, malienne et ivoirienne qui venaient prier à la mosquée. Car, pour lui, ce qui importe, c’est l’appartenance commune à la foi musulmane. Il assurera sa nouvelle fonction dans le pur respect des valeurs islamiques et dirigera sa communauté avec une main de maître.
Source : site feu el Hadj Anzoumana Sylla