A l’heure où s’achève le Ramadan, avec une intensité renforcée par l’importance que revêtent les dix derniers jours de sa célébration, les musulmans, quel que soit l’endroit du monde où ils se trouvent, ont, cette année encore, fait littéralement exploser les cagnottes des oeuvres caritatives.
De l’autre côté de l’Atlantique, les quelque 3.3 millions d’Américains de confession musulmane, qui représentent 1% de la population globale, n’ont pas failli à leur devoir de croyants et ont même redoublé de générosité au moment d’accomplir le troisième pilier de l’islam : l’acquittement obligatoire de la zakat.
Alors que, sous toutes les latitudes où l’islam réchauffe les cœurs, se referme doucement sa parenthèse sacrée, la communauté musulmane américaine a, au cours de ces derniers jours cruciaux, inondé les associations de bienfaisance islamiques de ses contributions substantielles, au-delà même des espérances de leurs dirigeants.
Si, tout au long de l’année, les musulmans remplissent l’obligation de verser 2,5% de leurs biens aux êtres fragilisés par les vicissitudes de l’existence par l’intermédiaire de la zakat al-maal, c’est en cette fin de Ramadan que les dons affluent généralement de toutes parts.
Bien que pouvant être accordées à différents types d’organisations humanitaires, y compris aux non-musulmanes, force est de constater que les fidèles américains ont majoritairement souhaité que leurs généreuses donations bénéficient aux plus démunis de leurs coreligionnaires, en remplissant les tirelires des trois associations musulmanes phares des Etats-Unis.
« L’idée, c’est que les riches donnent aux pauvres. C’est une façon de se rapprocher de Dieu », a déclaré Belkacem Nahi, directeur régional de Islamic Relief USA, la plus grande organisation de bienfaisance islamique à but non lucratif, basée à Alexandrie, dans l’Etat de Virginie.
En 2017, pour ses 25 ans d’existence, Islamic Relief USA avait eu l’immense joie de récolter la coquette somme de 19,3 millions de dollars, soit une zakat al-Fitr des plus fructueuses. Belkacem Nahi nourrit l’espoir que ce formidable élan de solidarité se poursuivra de plus belle pour ce Ramadan 2018, grâce à des actions de sensibilisation menées sans relâche sur le terrain. « Nous faisons beaucoup de travail à la base. Nous allons dans les mosquées, mais aussi dans le secteur privé, afin d’évoquer les avantages et les bienfaits de la zakat », a-t-il expliqué.
Toujours depuis la localité d’Alexandrie, Arif Mehmood, directeur des programmes au sein de United Muslim Relief, a indiqué, pour sa part, que 70% de l’argent versé pour la zakat tombe directement dans l’escarcelle des programmes humanitaires mis en œuvre aux quatre coins du globe.
« L’argent est utilisé partout où le besoin s’en fait sentir, y compris en Afrique, en Asie et aux Etats-Unis. Nous avons mis en place des programmes alimentaires pour les plus nécessiteux, des équipes de secours pour prêter assistance aux personnes sinistrées, et nous aidons également les personnes à faibles revenus lors de leur hospitalisation dans des centres médicaux », a détaillé Belkacem Nahi.
Ce dernier a, par ailleurs, insisté sur le fait que son association s’efforce de ne laisser personne sur le bord de la route, soucieuse de tendre la main aux êtres vulnérables que la vie n’a pas épargnés, et ce, quelles que soient leur religion ou origines. « La pauvreté n’a pas de religion. Lorsque vous avez faim, peu importe votre religion », clame à l’unisson Halil Demir, directeur exécutif de la Fondation Zakat d’Amérique, située près de Chicago.
Les dons versés à Islamic Relief USA varient selon les moyens financiers des donateurs, oscillant entre 25 et 1 million de dollars. Outre les secours internationaux, la fondation supervisée par Belkacem Nahi a vocation à soulager la souffrance humaine sur le sol américain, notamment celle des sans-abri, ces grands laissés-pour-compte de la première puissance mondiale, sans oublier celle des réfugiés dont elle paye les loyers et règle les frais de médicaments. L’an passé, elle s’est particulièrement illustrée en dehors des frontières, en livrant des denrées alimentaires à la population sinistrée de Porto Rico, après le passage dévastateur de l’ouragan Maria.
Parmi ces musulmans américains qui éprouvent un bonheur plus grand à donner qu’à recevoir, particulièrement en cette fin de Ramadan placée sous le signe de la quête d’excellence, Khalil Hassan, âgé d’une vingtaine d’années et vivant dans la banlieue de Washington, a confié les yeux brillants d’émotion : « c’est mon devoir en tant que musulman de faire cela et d’aider les autres ».
Ce même bonheur indicible étreint, chaque année, le pieux Mohammed Amir, très attaché à ses racines éthiopiennes, qui va régulièrement se recueillir dans la mosquée la plus proche de chez lui, accompagné de sa femme et de ses deux enfants. « Nous croyons au jour du jugement devant Dieu, nous devrons répondre de nos actes devant Lui, notamment pour l’acquittement de la zakat », a-t-il souligné.
Le mot de la fin revient au très dévoué directeur de Islamic Relief USA, Belkacem Nahi, qui a tenu à déculpabiliser ou à libérer d’un sentiment de honte ceux de ses coreligionnaires pour qui la zakat représente un trop gros sacrifice. « Ils peuvent faire du bénévolat pour des organisations caritatives, par exemple. Ce n’est pas seulement une question d’argent. Nous croyons que vous devez donner avec tout ce que Dieu vous donne », ne saurait-il trop leur recommander de faire, en esquissant un sourire plein de bonté.