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POURQUOI LE SALAIRE DE CARLOS GHOSN A TOUJOURS CHOQUE AU JAPON

Le PDG de l’alliance Renault-Nissan, arrêté lundi à Tokyo, est soupçonné d’avoir dissimulé une partie de sa rémunération au fisc japonais. Le salaire de ce grand patron a toujours été source de controverse au Japon.

“On me pose cette question tous les ans, et je vais donc m’expliquer à nouveau : oui, je suis le patron le mieux payé du Japon, mais Nissan est une entreprise mondiale et les rémunérations doivent être alignées sur les pratiques internationales.” Ainsi s’exprimait le PDG de l’alliance Nissan-Renault Carlos Ghosn en 2014, quatre ans avant son arrestation, lundi 19 novembre, sur des soupçons de fraude fiscale. Même s’il n’est plus, aujourd’hui, le PDG le mieux rémunéré du pays, il fait partie des rares à gagner plus d’un milliard de yen par an (7,7 millions d’euros).

L’homme d’affaires franco-libano-brésilien aurait minoré sa rémunération de moitié, ne déclarant que cinq milliards de yen (39 millions d’euros) alors qu’elle s’élevait à 10 milliards de yen (78 millions d’euros), selon l’agence de presse Jiji. Nissan a lâché son patron, assurant disposer de preuves qu’il avait aussi utilisé des biens de l’entreprise à des fins personnelles.

Carlos Ghosn vs la modération salariale japonaise

Le groupe a aussi annoncé son intention de proposer que Carlos Ghosn soit démis de ses fonctions, marquant ainsi un point final à un règne au cours duquel son salaire a toujours été jugé exorbitant au Japon.

En France aussi, le PDG de Renault-Nissan a souvent été critiqué pour le montant de ses émoluments. Les actionnaires – dont l’État français – ont eu du mal à digérer que, fort de ses deux salaires (Renault et Nissan), Carlos Ghosn ait accumulé plus de 100 millions d’euros depuis qu’il a pris la tête de l’alliance en 2009. Il n’a jamais touché, jusqu’en 2017, moins de 9 millions d’euros par an.

Mais ces montants sont jugés encore plus indécents au Japon où la rémunération moyenne annuelle des dirigeants de plus grands groupes dépasse rarement les trois millions d’euros, rappelle The Economist. L’archipel applique depuis toujours une modération salariale pour les dirigeants d’entreprise peu compatible avec les standards internationaux. Le Japon est, avec le Danemark, le pays où l’écart est le plus faible entre le salaire de l’employé en bas de l’échelle et le PDG, d’après l’AFL-CIO (le principal syndicat de travailleurs aux États-Unis).

Situations salariales absurdes

Le Japon reconnaît, certes, à Carlos Ghosn le mérite d’avoir sauvé Nissan de la faillite après avoir pris la tête du groupe en 2001. Mais il est devenu, au fil des ans, le symbole de pratiques salariales qui cadrent mal avec les traditions locales.

L’attachement du pays à la modération salariale de ses patrons a pu donner lieu à des situations difficilement envisageables dans d’autres pays. Ainsi en 2017, le Français Didier Leroy, l’un des cadres dirigeants de Toyota, a gagné trois fois plus qu’Akio Toyoda, le PDG du géant japonais. La banque japonaise Mitsubishi UFJ payait, en 2008, le patron japonais de sa branche américaine plus de quatre fois moins que son directeur financier qui était, lui, ressortissant américain.

Les salaires relativement modestes des PDG japonais s’expliquent, en partie, par le devoir de montrer l’exemple pour encourager l’esprit d’équipe, souligne The Economist. Les patrons “vivent généralement dans des maisons modestes, et s’efforcent de venir en métro au travail”, raconte l’hebdomadaire britannique. Ces revenus plus faibles sont le pendant de la quasi assurance de pouvoir évoluer “à vie” dans les grands groupes japonais, rappelle le Wall Street Journal. Les employés abandonnent, de facto, la perspective de gagner des salaires mirobolants, mais ils sont sûrs de pouvoir gravir lentement et sûrement les échelons de leur entreprise. Un destin très différent de celui de Carlos Ghosn qui avait gravi tous les étages de Nissan d’un coup et ne s’était jamais embarrassé de ces traditions salariales.

France 24

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