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SAHEL : QUE PEUT MACRON CONTRE AL QAIDA ACTUELLEMENT?

À l’occasion du sommet du G5 Sahel, Emmanuel Macron a appelé à « décapiter » les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaida au Sahel. Tandis que l’État islamique au grand Sahara (EIGS) perdait du terrain, la présence de ces groupes s’est accrue dans la région.

Le retrait des 5 100 soldats de l’opération Barkhane n’aura pas lieu. « Pas dans l’immédiat » tout du moins. Emmanuel Macron, qui a assisté au sommet du G5 Sahel par visioconférence lundi 15 et mardi 16 février, lui a préféré un nouvel objectif : « décapiter » les organisations djihadistes affiliées à Al-Qaida dans le Sahel « dont la plus haute hiérarchie continue à nourrir un agenda djihadiste ».

Dans sa ligne de mire : Iyad Ag Ghaly, ancien chef de guerre touareg dans le nord du Mali et chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), et l’imam radical peul Amadou Koufa à la tête de la katiba Macina.

Ennemi n° 1 à la place de l’ennemi n° 1

Un an après le sommet de Pau qui avait désigné l’État islamique au grand Sahara (EIGS) « ennemi numéro 1 » dans la région, voilà les cartes rebattues. La France peut se targuer de victoires tactiques contre sa précédente cible depuis un an. « Il serait paradoxal d’affaiblir notre dispositif au moment où nous disposons d’un alignement politique et militaire favorable à la réalisation de nos objectifs », a donc lancé le chef de l’État français.

Opération Barkhane : quelles conséquences en cas de retrait français du Sahel ?

La responsable du programme Afrique à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Caroline Roussy, prévient contre un scénario sur le modèle de celui de l’opération Serval en 2013 : « Les groupes djihadistes qui ont été démantelés se sont réfugiés dans les territoires frontaliers ou dans des zones inaccessibles avant d’être de nouveau opérationnels en 2015. Ce n’est pas parce qu’il y a dispersion temporaire que l’EIGS ne va pas chercher sur le moyen ou long terme à se reformer voire se renforcer. »

Le renforcement d’Al-Qaida dans la région

Cependant, tandis que Daech perdait du terrain, le GSIM s’est, lui, renforcé dans la région et a revendiqué plusieurs attaques contre les forces de Barkhane, dont les deux qui ont emporté la vie de cinq soldats français fin décembre 2020 et début janvier 2021. Il a en outre fait libérer quelque 200 de ses djihadistes en octobre dernier contre quatre otages, parmi lesquels l’humanitaire française Sophie Pétronin.

Autre argument qui a pu décider Emmanuel Macron : l’alerte, début février, du patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) Bernard Émié, contre la menace terroriste sur le sol européen. Selon lui, les dirigeants du GSIM sont des « héritiers directs d’Oussama Ben Laden poursuivant  son projet politique, avec l’objectif assumé de commettre des attentats en Occident et en Europe en particulier ». Mais l’argument, répété par Paris depuis le début de l’intervention française au Mali, peine toujours à convaincre les spécialistes.

Allumer la mèche terroriste

« En huit ans on n’a jamais entendu d’appel de la part de ces groupes à perpétrer des attentats en France ou en Europe. Il y a même eu un communiqué du GSIM pour appeler l’opinion publique à se lever pour un retrait français de la région », rappelle Caroline Roussy. La position française semble d’autant plus incongrue qu’elle tranche avec les volontés locales.

En réponse à la « volonté des Maliens », le premier ministre du pays Moctar Ouane avait invité en décembre au micro de France 24 à « engager le dialogue avec tous les enfants du Mali sans exclusivité », djihadistes compris. Pour la chercheuse, les filiales d’Al-Qaida au Sahel sont donc bien avant tout un problème « endogène ». Sauf à considérer que le vocabulaire martial – et emprunté à la grammaire djihadiste – d’Emmanuel Macron ce mardi, n’agisse comme un potentiel détonateur et ne fasse s’exporter le conflit hors des frontières poreuses du Sahel.

Caroline Vinet, le 17/02/2021 à 11:03 Modifié le 17/02/2021 à 11:03

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