INTERVIEW EXCLUSIVE :

PREMIÈRE PARTIE

 

Le journal le Point a rencontré, à Doha, au Qatar, le Ministre iranien des Affaires Étrangères, qui a négocié l’Accord dur le nucléaire iranien. Offensif, il s’exprime sur les États–Unis, Israël, la France et son pays. (De notre envoyé Spécial au Qatar Armin AREFI)

Le Point : Peut-on parler aujourd’hui de la Formation au Moyen-Orient d’une nouvelle alliance Téhéran-Doha-Ankara contre l’axe Washington-Tel-Aviv-Riyad-Abou-Dhabi ?

Mohammad  Javad Zarif : Nous n’avons jamais cherché de conflit avec qui que ce soit. La Politique de la République Islamique d’Iran a toujours été de coopérer avec tous les pays de la région du golfe-persique. Au contraire, c’est l’Arabie Saoudite qui cherche à entrer en conflit avec l’Iran au Moyen-Orient, en s’attaquant au Yémen ou en encerclant le Qatar. Ainsi, lorsque notre voisin qatarien a été confronté à ce problème avec la fermeture de ses voies d’approvisionnement, nous avons œuvré pour empêcher que sa population soit privée de ses besoins élémentaires pour vivre. C’est d’ailleurs exactement ce que nous avons fait au Koweït lorsque ce pays a été envahi par l’Irak en 1990. Il en ira de même si un jour, quelqu’un avait un tel comportement envers l’Arabie Saoudite.

Le Point : en soumettant le Qatar à un blocus terrestre, aérien et maritime, le prince héritier saoudien MBS souhaitait faire pression sur l’Emirat afin qu’il coupe tout lien avec l’Iran. N’a-t-il pas provoqué l’effet inverse ?

C’est exactement ce qui s’est passé. Cela fait quarante ans (l’âge de la République Islamique d’Iran, NDLR) que les politiques de l’Arabie Saoudite récoltent l’effet inverse de ce qui était souhaité. Rappelez-vous  tout de même que les saoudiens ont versé 75 milliards de dollars à Saddam Hussein (Dans sa guerre contre l’Iran.de 1980 à 1988. NDLR) Et qu’a-t-il fait par la suite ? Il a utilisé les armes qu’ils lui avaient données contre eux (Lors de la première guerre du golfe, de 1990 à 1991, NDLR). Cette politique est erronée à la racine. Or, on observe que l’Arabie Saoudite la répète au Liban, en Syrie, en Irak, au Yémen, en Afghanistan et avec le Qatar ! C’est-à-dire que, dans chacun de ces pays, en raison de son hostilité envers l’Iran, Riyad a poursuivi des politiques qui se sont retournées contre elle.

Vous affirmez vouloir coopérer avec toute la région. Pourtant, les dirigeants de ces pays, ainsi que leurs populations, ressentent une véritable crainte face aux velléités expansionnistes de la République Islamique.

Le problème de notre région est l’Arabie Saoudite. Avec le soutien des Etats-Unis, de la France et de l’Angleterre, elle œuvre pour faire disparaitre l’Iran du Moyen-Orient, ou tout au moins le mettre de côté. Partout où elle agit, l’Arabie Saoudite n’est motivée que par son hostilité envers l’Iran. Or, cette politique n’a donné aucun résultat. Ce qui arrive à la région n’est pas la conséquence de nos actes mais de ceux de Riyad. En ce qui nous concerne, nous sommes arrivés il y a très longtemps à la conclusion que nous ne pouvions pas faire disparaitre l’Arabie Saoudite du Moyen-Orient.  Il s’agit d’une puissance régionale qui ne peut être supprimée. Nous n’avons jamais cherché à éliminer quelque pays que ce soit. Au contraire, ce sont les saoudiens qui cherchent à nous nuire, mais comme ils n’y arrivent pas, ils nous accusent d’expansionnisme.

Vous affirmez que vous n’avez jamais souhaité la disparition d’aucun pays. Mais l’Ayatollah Khomeiny n’a-t-il pas déclaré dès 1979 que les Saouds n’étaient pas légitimes pour garder les deux lieux les plus saints de l’Islam, La Mecque et Médine ?

Regardez, aujourd’hui c’est le monde entier qui l’affirme. Différents pays expliquent que l’Arabie Saoudite n’est pas capable de gérer la Mecque. Nous l’avons simplement compris un peu avant le reste du monde. En revanche, nous n’avons jamais rien entrepris contre le gouvernement saoudien. L’Iran envoie chaque année près de 80.000 de ses citoyens effectuer le pèlerinage, ce qui en fait un des plus gros contingents au monde

kemebrama@hotmail.com

Sources : Le Point 2416-2417 I 20-27 Décembre 2018 pp32-35.

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