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AUX ÉMIRATS ARABES UNIS, LA « TOLÉRANCE RELIGIEUSE » EST UN DEVOIR ET UN AGENDA POLITIQUE 

Il y a un an et environ  2 mois exactement le 4 février 2019, le pape François et le grand imam d’Al-Azhar Ahmed Al Tayeb signaient à Abu Dhabi un document sur la fraternité humaine.

Pour le premier anniversaire de la visite du pape François aux Émirats arabes unis, Abu Dhabi voit les choses en grand. De multiples conférences et réunions de travail sur la « tolérance » ont été organisées le mardi 4 février dans la capitale émiratie.

L’objectif ? Célébrer et mettre en œuvre les recommandations du document pour la fraternité humaine signé il y a tout juste un an par le pape et le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed al Tayeb.

Pour Irina Bokova, ancienne directrice générale de l’Unesco et désormais membre du Haut comité pour la fraternité humaine, « les Émirats arabes unis ont été le moteur de cette initiative, et il faut le saluer ».

L’événement, qui avait attiré près de 700 journalistes étrangers, continue de raisonner dans le monde entier. Une marque indissociable de son soft-power. « Sans cela, nous ne pourrons jamais résoudre les problèmes. Nous serions ainsi voués à vivre dans un monde sauvage », justifie Irina Bokova

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Un « projet économique et social »

Pour Abu Dhabi, la promotion de la tolérance religieuse est à la fois « un projet politique, économique et social », estime Laure Assaf, professeure assistante d’anthropologie à la New York University d’Abu Dhabi. « Il y a un enjeu important à présenter les Émirats comme un pays stable, sûr et ouvert sur le monde. » Une vision confirmée par le chercheur à l’université d’Oxford Samuel Ramani, pour qui « les Émirats arabes unis tentent de façonner leur identité internationale pour favoriser l’économie et le tourisme ».

Le projet d’une Maison de la famille abrahamique annoncé par le Haut comité pour la fraternité humaine répond ainsi parfaitement à cette attente. Ce complexe, qui comprendra une mosquée, une église et une synagogue, sera construit pour 2022 à Abu Dhabi, sur l’île de Saadiyat. Une île qui accueille également le musée du Louvre. « Ce type de projet est perçu par les résidents – citoyens comme étrangers – comme étant d’abord destinés aux touristes occidentaux », explique Laure Assaf.

Se démarquer de ses voisins du Golfe

Ces initiatives permettent aussi au pays de se démarquer de ses voisins du Golfe, comme l’Arabie saoudite « qui a toujours été considérée comme une société fermée malgré les récentes réformes dans le Royaume », analyse Samuel Ramani. Mais aussi du Qatar, perçu comme un pays « qui promeut l’islam politique ».

Or « les Émirats arabes unis essaient de vendre à l’échelle internationale l’idée que l’islam politique et les Frères musulmans sont en quelque sorte une déviation de l’orthodoxie islamique et contribuent à l’extrémisme », développe le spécialiste du Moyen-Orient. En ce sens, la promotion de la tolérance religieuse peut aussi servir d’alibi pour le pays du Golfe dans sa lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. Deux notions d’ailleurs omniprésentes dans le document pour la fraternité humaine.

La liberté de culte et de conscience garantie par la Constitution

Aux Émirats, l’usage de la tolérance religieuse s’est considérablement intensifié depuis 2015, au point d’en devenir un leitmotiv. Un discours qui se traduit par une multitude d’initiatives politiques. Outre la création d’un ministère dédié en 2016, le pays a adopté un an plus tôt un décret-loi contre les discriminations et la haine qui punit l’intolérance religieuse de peines sévères. Divers organismes ont aussi pour vocation de promouvoir le modèle émirati, comme l’Institut international pour la tolérance créé en 2017 et basé à Dubaï.

Car le principe de la liberté de culte et de conscience est garanti par la Constitution adoptée en 1996. Même si l’islam est la religion officielle, la population du pays a toujours été majoritairement étrangère – environ 88 % de la population actuelle – et donc susceptible d’amener de nouvelles croyances. Cheikh Zayed, le père fondateur des Émirats arabes unis, disait d’ailleurs : « La tolérance est un devoir. »

Nicolas Keraudren (à Abu Dhabi),

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