Son entreprise, Majik Water, basée à Nairobi développe des générateurs alimentés par des panneaux solaires pour transformer l’humidité de l’air en eau. Si elle séduit nombre de concours sur l’innovation, elle n’attire pas encore les investisseurs.
Beth Koigi ne s’en lasse pas. À 27 ans, la Kényane écume les prix (Le Tech Entrepreneur du Forum annuel des femmes africaines sur l’innovation et l’entrepreneuriat (AWIEF), EDF Pulse, et Oxford Innovation Fair et MIT Water Innovation). Pour cause, avec son projet Majik Water, elle entend révolutionner l’accès à l’eau. Comment ? En captant l’humidité de l’air.
« Si vous avez de l’air, vous pouvez avoir de l’eau potable”, résume simplement Beth Koigi interrogée par France 24. À partir de ce postulat, la jeune entrepreneuse, installée dans le centre d’innovation climatique de Nairobi, s’est appuyée sur une technologie existante qui génère 10 litres d’eau par jour à partir de l’air ambiant avec un taux d’humidité de 55 %, le tout fonctionnant grâce à l’énergie solaire. Elle a donc mis en place un système de matériaux hydrophiles ressemblant à des éponges qui récupèrent les molécules d’eau. Une fois chauffées, elles libèrent de la vapeur qui est ensuite condensée.
Innovation sociale
Cette innovation se veut avant tout « sociale », précise Beth Koigi, puisqu’elle s’adresse principalement aux populations qui vivent dans les zones reculées et qui n’ont pas accès à une eau propre et salubre. Au Kenya, 12 millions de personnes sont concernées et plus de 700 millions dans le monde. « Les pénuries d’eau devraient s’aggraver au cours de la prochaine décennie », a déclaré Beth. Selon les Nations unies, 1,8 milliard de personnes seront confrontées à une grave pénurie d’eau dans le monde d’ici 2025.
La jeune femme, qui a grandi à Kimende, à 240 km de Nairobi, a été confrontée à cette problématique dès ses études. En 2012, en première année de gestion de projet à l’Université de Chuka, Beth vit sur le campus, où l’eau est insalubre. « Ce qui sortait des robinets était marron, on ne pouvait même pas laver son linge avec, se souvient-elle. Directement pompée de la rivière, l’eau n’était pas filtrée et causait de multiples infections ».
Du haut de ses 21 ans, elle décide alors de créer son propre filtre à eau. Elle est alors bien inspirée entre son père, qui dispose d’une technologie d’approvisionnement en eau pour irriguer sa ferme, d’un frère, qui dirige une entreprise de fabrication de gouttières, et d’un autre qui construit des barrages. Son système fonctionne et séduit sur le campus. En cinq ans, la jeune entrepreneuse distribue plus de 5 000 filtres.
Zones en stress hydriques
Cette innovation lui donne envie d’aller plus loin. « Je me suis ensuite demandé pourquoi les gens passent tant de temps à aller chercher de l’eau et à la transporter, alors qu’il existe une technologie de production d’eau atmosphérique qui peut être utilisée là où nous sommes », poursuit-elle. Le nouveau concept est trouvé : développer des générateurs d’eau atmosphériques. En 2016, elle se rend aux États-unis pour participer au programme Global Solutions de l’université Singularity de la Silicon Valley. Elle y rencontre Clare Sewell, consultante en stratégie financière, et Anastasia Kaschenko qui croient au concept et créent la société Majik Water. « Maji signifie eau en swahili et le k, qui correspond à kivuana, veut dire récolte », précise-t-elle.
Dans un premier temps, le défi a été d’adapter la technologie de captation de l’eau dans des zones semi-arides, où le taux d’humidité ne dépasse pas les 35 %. « L’appareil, qui fonctionne à l’énergie solaire, est ainsi adapté aux populations vivant dans des zones en stress hydriques souvent reculées », précise-t-elle. Aujourd’hui, il s’agit d’augmenter considérablement la quantité d’eau récoltée quotidiennement. La société étudie également les moyens de rendre le système plus facile à utiliser tout en le maintenant « abordable pour tous ».
France 24