Dans cette nouvelle rubrique intitulée 20 questions à Cheikh Abdul Aziz pour comprendre le jeûne du mois de Ramadan nous revenons sur une série de questions posée en 2010 au Cheikh par notre confrère Fané n’facôrô alors au journal islam info
Quelle définition spirituelle donnez-vous au jeûne du mois de Ramadan ?
Dieu dans toutes les choses a attribué deux dimensions : une dimension apparente et une dimension cachée. Le Prophète (saw) disait : « sachez que chaque vérité a une réalité ».
Dans ce sens, on poserait la question suivante : quelle est la réalité du jeûne du mois de Ramadan qui est vérité. Le jeûne signifie l’abstinence al insaquou.
Essayer de faire participer tous ses sens au jeûne
Par rapport au mot abstinence, on se la question : « de quoi s’abstient-on ? »
Le mois de Ramadan se définit comme, s’abstenir de boire et de manger, de ne pas avoir des rapports sexuels depuis le lever du soleil jusqu’à la tombée de la nuit. Pour celui qui parvient à faire on dira qu’il a jeûné. Mais en même temps, l’abstinence touche une autre dimension qui se retrouve dans cette première dimension. Nous savons que cela est le jeûne de tout le monde.
On pourrait aller vers une autre dimension du jeûne qui est le jeûne de tous ses sens, c’est-à-dire de ne regarder que ce que Dieu veut, et de sentir que ce que Dieu aime, de dire ce que Dieu veut qu’on dise, écouter ce que Dieu veut qu’on écoute. Par conséquent, on essaie de faire participer tous ces sens. Au de-là de ce fait, nous avons une autre dimension réelle et recherchée dans toute autre adoration : la dimension spirituelle.
Quelle est cette dimension spirituelle ?
Pour comprendre cela le Prophète (saw) a dit quelque chose de très fort : « Jeûner par l’apparition la croissant lunaire du jeûne du mois de Ramadan et rompez le jeûne par l’apparition du mois suivant »
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Le serviteur de Dieu bien imprégné dans la spiritualité sait que la quête recherchée dans toute forme d’adoration, c’est le souvenir et l’invocation de Dieu. C’est en cela que Dieu dans le Coran : « accomplissez la prière en guise de rappel de Dieu et invoquez toujours Dieu ». A partir de là, on comprendra que dans tous les cultes, c’est l’invocation et le souvenir de Dieu qui est recherché.
Arracher Dieu des actes d’adoration, c’est leur conférer une dimension profane
Par exemple, si vous retirez l’invocation dans la prière, elle restera une enveloppe vide. Et cela est pareil pour toute autre forme d’adoration. Autrement dit, ce qui fait de tout ce qui nous venons de citer comme acte d’adoration, c’est l’existence de Dieu dans ces actes. Si Dieu est arraché de ces actes d’adoration, alors ceux-ci deviennent des actes profanes. Ce qui voudrait tout simplement dire nous recherchons le cœur de l’adoration. Parce que tout le bonheur existe en Dieu.
Dieu est le lieu des manifestations de toute la Grâce. Et le serviteur est le lieu de manifestation de tous les défauts. Il est séduit par toute la Grâce qui existe en Dieu et il veut fuir tous les défauts qui sont en lui. De ce fait, il va toujours vers Dieu. Autrement dit, il veut découvrir et connaître Dieu. Et le mois de Ramadan est un moyen efficace pour connaître Dieu.
Mais comment connaître Dieu ?
C’est la raison pour laquelle le Prophète (saw) dit : « quand vous l’aurez vu alors abstenez-vous ».Mais, le spirituel comprend : « quand vous aurez découvert Dieu, alors abstenez-vous de voir autre que Dieu».
Parce que celui qui parvient à observer Dieu dans tout ce qu’il fait, est celui que nous appelons Al mourakaba, c’est-à-dire qu’il arrivera à une dimension où il ne verra que Dieu. Celui qui atteint cet éveil spirituel qui est une très grande dimension spirituelle, alors cette personne ne doit plus la laisser s’échapper.
Faire taire la dimension bestiale de l’homme au profit de sa dimension angélique
Pour cette personne qui jeûne, il s’abstient de voir surtout sa dimension bestiale. Voyez l’être humain est un cocktail d’états. Il a les états angéliques en lui et les états de bestialités également en lui. L’état de bestialité, le Ramadan voudrait que nous fassions taire cet état au profit de l’état angélique. Car, il passera toute nuit en adoration. Petit à petit, l’étincelle angélique, la flamme illuminera son cœur. Pour ce faire, il prendra goût à l’adoration. Car celui qui n’a pas le goût du jeûne, il peut tôt ou tard rejeter le jeûne.
Tous les grands saints demandaient à Dieu de leur donner le goût de l’adoration. Pendant le Ramadan, le Musulman spirituel, s’abstient parce qu’il aura compris que l’essence de toute adoration étant la proximité de Dieu et que le jeûne vient quelque chose qui efface tout autre chose pour que Dieu seul s’implante.
Donc l’apparition du croissant, c’est comme l’apparition de son éveil spirituel.
Jeûner avec le cœur est la vision totale de Dieu
Cheick ne donnez-vous pas ici raison à Malal N’Diaye (islamologue sénégalais) qui a dit au cours d’une de ses conférences à Abidjan que la Kaba et la mosquée se trouve dans le cœur ?
Je pense qu’au-delà de Malal N’ Diaye, c’est au Prophète (saw) qu’il faut donner raison. Parce qu’il a dit un hadith dans lequel Dieu dit : « ni mes cieux, ni ma terre ne me contient, je contiens seulement que le cœur pur de mon serviteur»
Donc, c’est dans le cœur qu’il faut voir le jeûne ?
Le jeûne de l’Homme bien sûr. Il y a celui qui tend vers la spiritualité qui fait le jeûne de la charia. Car c’est à partir de ce jeûne qu’on peut avoir le goût et la compréhension de la profondeur du jeûne en atteignant le jeûne spirituel. C’est une démarche. On ne brûle les étapes.
Quelles sont les étapes pour atteindre le jeûne spirituel
Il faut d’abord avoir le goût dans le jeûne de l’abstinence. Si ce goût s’installe avec sincérité Dieu t’élève un tant soit peu vers une autre dimension du jeûne. C’est le jeûne du cœur. Cette dimension du jeûne est la vision totale de Dieu qui anéantit toute autre existence.
Donc, c’est comme si c’est Dieu qui apparaissait comme le croissant lunaire. Et en ce moment-là, tu ne feras que le contempler. En réalité, la manifestation de Dieu écrase toute autre manifestation.
Voici comment l’homme spirituel comprend le jeûne.
Propos recueillis par Fané n’facôro pour islam info en 2010