Explication L’Iran a accusé, lundi 12 avril, Israël d’être derrière l’attaque contre le complexe nucléaire de Natanz et a promis une « vengeance » en temps et en heure. Après une première session la semaine dernière, les négociations reprennent cette semaine à Vienne pour tenter de sauvegarder l’accord sur le nucléaire iranien de 2015.
► Que s’est-il passé et comment a réagi le régime iranien ?
« Panne de courant », « petite explosion », dégâts réparables « rapidement » ou acte de « terrorisme antinucléaire » : les autorités iraniennes hésitent dans leur communication sur l’attaque du complexe nucléaire de Natanz. Selon le New York Times, qui cite des responsables du renseignement américain et israélien, une forte explosion a complètement détruit, dimanche 11 avril, le système d’alimentation électrique des centrifugeuses d’enrichissement de l’uranium placées sous terre sur le site de Natanz.
L’opération de sabotage israélienne aurait porté un « coup sévère » à la capacité de l’Iran d’enrichir de l’uranium et il faudrait « au moins neuf mois » pour reprendre la production d’uranium enrichi. Le mode opératoire reste inconnu : cyberattaque, opération menée à distance ou infiltration physique dans le complexe nucléaire.
Début juillet 2020, une mystérieuse explosion avait déjà gravement endommagé une usine d’assemblage de centrifugeuses à Natanz. « C’est un nouvel échec pour les services de renseignement des gardiens de la révolution », estime Clément Therme, spécialiste de l’Iran et chargé de cours à Sciences-Po. « Comme d’habitude, les autorités iraniennes réagissent avec un double discours : l’un, à usage interne, consistant à minimiser la portée de l’attaque et à poursuivre leur surenchère nucléaire, l’autre, à destination de l’extérieur, présentant l’Iran comme une victime. »
► Dans quel contexte intervient cette opération ?
L’attaque est intervenue au lendemain de l’annonce par Téhéran de la mise en service de nouvelles cascades de centrifugeuses modernisées permettant d’enrichir plus rapidement l’uranium, dans des volumes et à un degré interdit par l’accord de 2015. L’opération s’est déroulée alors même que le secrétaire américain à la défense, Lloyd J. Austin III, était en visite en Israël.
Israël cherche à empêcher l’Iran de devenir un État dit « du seuil nucléaire », c’est-à-dire ayant pratiquement acquis la capacité de fabriquer la bombe. L’attaque de Natanz n’est que le dernier épisode d’une guerre de l’ombre entre les deux pays. L’Iran a été accusé de tentatives d’assassinat de diplomates israéliens à travers le monde. Israël est censé avoir orchestré l’assassinat de plusieurs scientifiques nucléaires iraniens, le plus récemment en novembre 2020, quand Mohsen Fakhrizadeh, l’un des principaux architectes du programme nucléaire iranien, a été tué dans une embuscade.
Depuis deux ans, la rivalité s’est étendue à la mer Rouge. Israël s’en est pris à des navires transportant du carburant iranien, et l’Iran a répondu en ciblant au moins deux cargos appartenant à des Israéliens.
► Quel sera l’impact sur les négociations nucléaires de Vienne ?
Le sabotage de Natanz risque de compliquer les discussions en cours à Vienne pour tenter de relancer l’accord sur le nucléaire iranien de 2015. « À court terme, cela rendra plus difficile à l’Iran de faire des compromis à Vienne », affirme Eric Brewer, chercheur au Center for Strategic and International Studies (CSIS). « L’Iran ne veut pas donner l’impression qu’il négocie dans une position affaiblie ou sous pression. »
« Cette attaque détruit le climat positif qui pouvait se mettre en place et les premiers pas pour créer de la confiance », ajoute Clément Therme. « Le contexte n’est pas favorable à un compromis rapide avant l’élection présidentielle iranienne du mois de juin. »
François d’Alançon, le 12/04/2021 à 17:11