Des soldats envoyés par Moscou au Mali se sont installés dans la base militaire de la « ville des 300 saints » rendue par l’armée française, le 14 décembre dernier. L’arrivée des Russes auprès des forces maliennes ne fait plus aucun doute pour Paris, en désaccord profond avec les autorités de Bamako.
Les soldats français à peine partis de leur base de Tombouctou, des militaires russes viennent de les remplacer. C’est le porte-parole de l’armée malienne qui, jeudi 6 janvier, a fait état de ce mouvement hautement symbolique. Sans préciser leur nombre, il a simplement indiqué qu’ils étaient sur place pour entraîner les forces armées maliennes (Fama).
L’arrivée de ces militaires russes – des instructeurs de l’armée et des mercenaires de la société privée Wagner – à Tombouctou est une nouvelle douche froide pour la France qui avait remis cette base, les installations qu’elle avait construites et équipées sur ses propres fonds, aux Fama, le 14 décembre dernier. Dix jours plus tard, elle avait révélé, tout en la condamnant aux côtés d’une quinzaine de ses partenaires au Mali, l’arrivée des mercenaires russes de Wagner sur place.
Une information aussitôt démentie par les autorités de Bamako issues du double putsch d’août 2020 et de mai 2021. Celles-ci ont simplement admis la présence de quelques « formateurs » russes, au même titre – selon elles – que les formateurs européens.
Les Russes, premier accrochage
Malgré les démentis répétés de Bamako, l’imbrication des instructeurs et des mercenaires russes auprès des Fama ne fait aucun doute à Paris, comme le confie une source militaire. Selon elle, ils seraient aujourd’hui environ 300 déployés au Mali (instructeurs et mercenaires). D’autres sources évoquent plutôt le chiffre de 500. Si pour l’heure, le niveau de cette mobilisation n’est pas public, elle commence, toutefois, à s’afficher au grand jour comme à Tombouctou où des habitants assurent avoir vu des soldats russes patrouiller en ville.
Par ailleurs, lundi 3 janvier, des militaires russes auraient pris part à des combats opposant les Fama aux djihadistes de la Katiba Macina, aux abords de la localité de Mandoli, près de Bandiagara, dans le centre du pays. Le bilan de ce premier accrochage est très flou, mais il semble qu’au moins un mercenaire de Wagner aurait été blessé.
Ce déploiement de forces russes au Mali coïncide avec la reconfiguration du dispositif français et la réduction programmée de la force anti-djihadiste Barkhane, appelée à passer d’environ 5 000 militaires au Sahel à l’été 2021 à environ 3 000 à l’été 2023. C’est dans ce cadre que Barkhane a récemment rétrocédé aux Maliens trois de ses bases dans le nord du pays, dont celle de Tombouctou. L’arrivée des soldats russes, si rapidement, dans cette ville symbolique libérée et défendue par la France depuis janvier 2013, répondrait aussi à une stratégie selon Paris. « L’objectif des Russes est de nous remplacer dans ce pays comme elle l’a fait en Centrafrique », considère une source militaire française.
Plusieurs observateurs remarquent que Moscou conteste la France dans son ancien pré carré, moins sans doute pour la remplacer que pour l’affaiblir en tant que puissance.
La France versus la Russie
La nouvelle présence russe au Mali, articulée à la volonté de la junte de s’accrocher au pouvoir pendant cinq ans, nourrit la réflexion de l’exécutif français sur un possible retrait total de l’armée française du Mali d’ici à la fin de l’année, au profit du Niger, plus amical avec Paris.
Autrement dit, le départ des 1 000 soldats de la base de Gao, dans le nord du Mali, pourrait être annoncé et exécuté après l’élection présidentielle du printemps prochain.
Laurent Larcher, le 07/01/2022 à 17:58 Modifié le 07/01/2022 à 19:22