Reportage Après les hommages planétaires, et avant la cérémonie samedi qui n’accueillera qu’un nombre limité d’invités en raison du Covid, les Sud-Africains sont venus dire au revoir à « The Arch », vendredi 31 décembre au Cap.
Des membres de la famille de Mgr Desmond Tutu sont venus rendre un dernier hommage, à l’entrée de la cathédrale Saint-Georges du Cap, en Afrique du Sud, le 31 décembre 2021.
Ils sont plusieurs milliers à s’être rendus à la cathédrale anglicane Saint-Georges du Cap, où Mgr Desmond Tutu a officié pendant des années, et où une chapelle ardente leur permet d’adresser un dernier au revoir à sa dépouille. « Ce n’est peut-être qu’un corps, mais peu d’entre nous ont eu l’opportunité de lui dire merci quand il était encore en vie. C’est bien qu’on puisse le faire maintenant », explique Freddy Stoltenkamp, policier venu vendredi 31 décembre avec toute sa famille.
Pour permettre à davantage de Sud-Africains de se recueillir auprès du cercueil, et éviter les attroupements, la chapelle ardente a été prolongée pour durer deux jours entiers, avant les obsèques du samedi 1er janvier. En quarante-huit heures, 4 000 personnes s’y sont succédé.
« Une icône de la paix »
Et ils arrivent en continu, ces milliers de Sud-Africains de toutes origines, sociales et ethniques. La « nation arc-en-ciel » telle que l’avait rêvée Desmond Tutu, qui l’avait ainsi baptisée. Tous ont les mêmes mots à la bouche pour parler de l’archevêque. « Une figure paternelle », « un homme qui parlait vrai », « une icône de la paix »…
À l’entrée de la cathédrale, des registres de condoléances et un mur recouvert de bouquets et de mots permettent à ceux qui le veulent de s’exprimer. Mais dans l’enceinte de la cathédrale, la sobriété règne. Deux portraits de Tutu, un buste, et un simple bouquet d’œillets blancs posé sur le cercueil de pin clair, « le moins cher possible », tel qu’il l’avait souhaité. « Rien qu’avec ce cercueil, on se rend compte du type de personne qu’il était. Il était tellement humble », soupire Themba Fosi, conseiller municipal à Pretoria, à la sortie de la cathédrale.
Un féministe convaincu
De l’autre côté, Dawa Fraser et son époux Michael attendent patiemment leur tour. Michael se souvient des temps jadis, pendant l’apartheid, où il voyait souvent Desmond Tutu rejoindre les marches de protestation. « Il était toujours tellement brave, surtout devant la police », dit-il.
Dawa tient serré contre sa robe bleue un bouquet d’hortensias violets, la couleur fétiche de l’archevêque. « Ils viennent de notre jardin », précise-t-elle, avant de leur trouver une place parmi les autres fleurs. Elle confie : « Je me sens très triste, car il n’est plus. »
À midi, comme chaque jour depuis une semaine, les cloches de la cathédrale ont résonné pendant dix minutes. Une prière a suivi, en présence de la famille Tutu et des proches, qui ont pu se recueillir une dernière fois auprès du cercueil. Parmi eux, docteur Mamphele Ramphele, une vieille amie de Desmond Tutu. Ils se sont connus pendant la lutte, alors qu’il était évêque au Lesotho et elle, militante du mouvement naissant Black Consciousness. Aujourd’hui, elle cogère le fonds de sa propriété intellectuelle.*
Elle se souvient très bien leur première rencontre, il y a de cela quarante ans, autour d’un repas avec d’autres activistes. « Après le dîner, il s’est levé, et a pris les assiettes pour aller faire la vaisselle en cuisine. Et les garçons étaient choqués ! “Non Monseigneur, vous ne pouvez pas faire ça !” Et il a dit : “Pourquoi pas ? Quand j’étais à Londres avec ma famille, je lavais bien les couches !” Il n’était pas juste un féministe en paroles. Il vivait ses convictions. »
Le violet en majesté
Au-delà de la cathédrale Saint-Georges, la ville du Cap tout entière s’est parée des couleurs de l’archevêque anglican. Chaque soir, l’hôtel de ville et la montagne de la Table sont illuminés de violet. Et dans les rues, Desmond Tutu n’est jamais bien loin des conversations.
Jeudi, le gouvernement a annoncé un assouplissement des mesures en place pour lutter contre l’épidémie, et relevé la limite des jauges pour les rassemblements. Davantage de personnes pourront donc peut-être assister samedi aux funérailles, qui seront aussi retransmises en direct dans toute la ville.
Joséphine Kloeckner, correspondance particulière à Le Cap (Afrique du Sud), Lacroix