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TENSION AU GOLFE : LA STRATÉGIE GAGNANTE DE L’IRAN

 

Même si Téhéran a démenti être derrière les attaques d’installations pétrolières saoudiennes, beaucoup, les États-Unis en tête, y voient sa signature. En jouant ainsi avec le feu, analyse le quotidien libanais L’Orient-Le Jour, le régime iranien a opté pour une stratégie gagnante. Mais jusqu’à quand ?

Jouer avec le feu est un art que les Iraniens maîtrisent à la perfection. En d’autres temps, dans d’autres circonstances, les attaques contre les installations pétrolières en Arabie Saoudite, attribuées par les États-Unis à Téhéran, auraient été considérées comme une déclaration de guerre susceptible d’entraîner le pays et ses alliés dans un conflit généralisé. On parle tout de même d’une frappe ayant touché le cœur économique du principal exportateur de pétrole dans le monde, qui plus est allié stratégique des Occidentaux.

Pas de réponse

De réponse à la hauteur de cette agression il n’y aura pourtant probablement pas. Et pour cause : loin d’être un acte guidé par l’hubris, une provocation de trop dont Téhéran n’aurait pas mesuré l’ampleur, les attaques contre les sites d’Aramco répondent à un plan parfaitement calculé dans lequel Téhéran a beaucoup plus à gagner qu’à perdre.

Message fort

L’attaque est suffisamment signée pour envoyer un message fort tant à l’Arabie Saoudite qu’aux États-Unis. Mais elle est dans le même temps suffisamment confuse pour que l’Iran puisse affirmer qu’il n’a rien à voir là-dedans et pour mettre en doute la légitimité d’une action de représailles.

Les houthistes, qui entretiennent une relation de plus en plus étroite avec Téhéran, ont revendiqué l’attaque. Mais les experts et les sources militaires à Washington et à Riyad affirment que les frappes viennent plutôt d’Irak, où les milices chiites pro-iraniennes ne cessent de se renforcer, ou bien d’Iran.

Jouer sur la confusion

mettent en avant le rôle des houthistes, qui agiraient en acteur indépendant en réponse à l’intervention saoudienne au Yémen, tout en bombant le torse et en célébrant l’humiliation subie par leur grand rival. Les attaques de samedi [14 septembre] étaient un “avertissement” lancé par les rebelles yéménites à Riyad, qui ferait bien d’en tirer “les leçons”, a déclaré [mercredi 18 septembre] le président Hassan Rohani, dans un parfait mélange de provocation et de dédouanement.

Téhéran sort renforcé et à moindre coût

Les opérations contre les sites d’Aramco ont un triple objectif : frapper un grand coup contre l’Arabie saoudite ; menacer la sécurité et la stabilité des flux pétroliers en réponse à la pression maximale exercée par les États-Unis à l’encontre de l’Iran ; tester les limites de la stratégie américaine. Téhéran en sort renforcé et à moindre coût. L’Arabie saoudite apparaît isolée. Les Européens se contentent de condamnations minimales, voulant éviter à tout prix un conflit généralisé. Les Américains donnent le sentiment de naviguer à vue, entre leur obligation d’enfiler le costume de gendarme international et la volonté de leur président de se désengager de la région.

La démarche attentionniste  de Trump

Les dirigeants iraniens font le pari que Donald Trump ne va pas engager son pays dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Tant ses déclarations que ses atermoiements depuis le week-end leur donnent raison. Le président américain sait qu’un conflit avec l’Iran pourrait lui faire perdre l’élection présidentielle de 2020, d’autant plus que cela pourrait provoquer une forte crise pétrolière. Il s’est pour l’instant contenté d’annoncer [le 18 septembre] un renforcement des sanctions contre l’Iran, une mesure somme toute symbolique et assez peu dissuasive pour Téhéran.

L’Iran peut mordre les mollets des États-Unis

C’est justement parce que les sanctions rétablies par le président américain en mai 2018 font mal à l’économie iranienne que le régime répond par une escalade graduelle et contrôlée. L’Iran ne peut pas s’engager dans un combat au corps à corps avec les États-Unis, mais il peut lui mordre les mollets, afin de l’inciter à changer de politique. Au pire, les Américains répondent par une action militaire limitée qui ne mettra pas en danger la survie du régime et fera au contraire le jeu de la propagande des durs en Iran. Au mieux, ils lâchent du lest dans leur volonté d’étrangler l’Iran afin de permettre à la diplomatie de reprendre ses droits.

Des risques à l’horizon

Cette stratégie de l’Iran comporte tout de même un risque important : celui d’une escalade incontrôlée qui pourrait être fatale au régime. La présence de milices obligées de l’Iran dans toute la région, et donc le risque d’embrasement que cela implique, peut toutefois être perçue comme un facteur dissuadant les Américains d’aller trop loin.

Franchir les lignes rouges, jouer avec les nerfs de ses adversaires, entretenir la confusion, profiter des zones d’ombre de la stratégie de ses ennemis, tout cela pour mener une action où le risque en vaut largement la chandelle : la tactique n’est pas nouvelle. Le régime syrien l’a utilisée à de multiples reprises au cours de ces dernières années en recourant à l’arme chimique, malgré la ligne rouge fixée par les Occidentaux. On connaît la suite de l’histoire…

Anthony Samrani, in L’Orient-Le Jour

Publié le 19/09/2019 – 15:01

 

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