Donald Trump
JOURNAL DE CAMPAGNE – Une première fois passe encore, mais à la deuxième attaque frontale de Trump contre la légitimité a priori du résultat de la présidentielle, un vent glacé a commencé à souffler dans les rangs des Républicains.
Cette fois, on ne rigole plus. Quand Donald Trump avait dégainé la première fois, refusant, mardi 22 septembre, de garantir une transition pacifique du pouvoir à cause de fraudes (imaginaires) dans le vote par correspondance, les médias avaient mis la pédale douce: une provocation de plus, ne pas lui donner trop de place sauf à tomber dans le panneau. Et puis la machine s’est emballée.
Jeudi, le président en a remis une couche avec un plaisir malin, répétant ses accusations contre un vote qui sera « une grosse arnaque » et affirmant: « Nous voulons être sûrs que cette élection soit honnête, et je ne suis pas sûr qu’elle puisse l’être« .
Cocktail Molotov
Et du coup, c’est la panique chez les Républicains. Après le premier coup de semonce, ils s’étaient transformés en contorsionnistes du Cirque du Soleil (ok, on a du mal à imaginer Mitch McConnell dans ce rôle mais vous voyez l’idée) pour garantir que la transition de pouvoir serait parfaitement pacifique, mais sans évoquer ce qui les poussait à le faire: le cocktail Molotov jeté par leur boss.
Mais avec la deuxième bombinette, on change de braquet: la provocation ne peut plus être escamotée. Pour les Démocrates, c’est Noël avant Noël: quel magnifique cadeau électoral! « Vous n’êtes pas en Corée du Nord, vous n’êtes pas en Turquie, vous n’êtes pas en Russie, Mr. le Président et soit dit en passant, vous n’êtes pas non plus en Arabie saoudite », s’est exclamée Nancy Pelosi, la speaker de la Chambre. « Vous êtes aux Etats-Unis d’Amérique. C’est une démocratie, pourquoi n’essayez-vous pas, juste pour un moment, d’honorer votre serment d’allégeance à la Constitution des Etats-Unis? »
Facture dans les sondages
Il n’y a pas que les Démocrates, les experts et historiens de tout poil montent eux aussi au créneau. « C’est peut-être le coup le plus grave qu’il ait jamais porté à la démocratie américaine », estime Douglas Brinkley, doyen des historiens présidentiels. Et les Républicains n’ont pas besoin de mobiliser leurs sondeurs, même s’ils le font, pour comprendre que les propos de pyromane de Trump risquent de faire des dégâts.
C’est une habitude, chez lui. Ce serait même presque drôle si l’on n’était pas plutôt dans l’ambiance Le Cri d’Edward Munch: à chaque fois que Trump reprend la main, il laisse son indiscipline, son ego et son instinct inepte tout bousiller. Il s’était tricoté une occasion en or de rameuter la base conservatrice avec le remplacement de la juge Ginsburg à la Cour suprême, et le voilà qui affole le gros de l’électorat. Une première fois, pourquoi pas, la provocation crée une diversion permettant de ne pas parler du coronavirus. Mais, comme toujours, il surjoue et cette fois on ne rit plus: le processus démocratique est attaqué bille en tête par le plus haut personnage de l’Etat, sur la base d’accusations totalement infondées.
Attendons de voir la facture dans les sondages. Vous voulez parier? Elle risque d’être salée. Les Républicains le savent. Ce qu’ils ne savent pas, c’est comment faire taire le patron.