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TERRORISME : NEGOCIER AVEC LES DJIHADISTES : UNE SOLUTION POUR LE MALI ?

Dans sa première interview internationale sur RFI et France 24, le 3 décembre 2020, le Premier ministre de la Transition du Mali, Moctar Ouane, rappelle que « le dialogue avec les terroristes est une volonté des Maliens ». L’insécurité au Mali a gagné le cœur du Sahel et menace les États côtiers voisins. Elle a déjà provoqué 8 000 morts environ, des millions de déplacés, la fermeture de milliers d’écoles, avec des attentats visant constamment les représentants de l’État et les autorités traditionnelles. Cette situation dramatique peut-elle trouver une issue en négociant avec les extrémistes violents ? La réponse à cette question exige de prendre conscience de plusieurs facteurs avec lesquels il faut compter. Nous allons les parcourir pour mieux comprendre.

Un djihadisme largement endogène

Au Mali, un djihadisme endogène n’est apparu qu’en 2012, à la suite de la décision d’un leader touareg de Kidal, Iyad Ag Ghali, ancien chef de la rébellion touarègue de 1991-1992, qui conserve une importante aura locale. En 2011, Iyad Ag Ghali souhaitait prendre la tête du MNLA, initiateur de la rébellion séparatiste touarègue de 2012, mais en avait été évincé par des officiers touaregs de l’armée libyenne, de retour au Mali à la suite de la chute de Khadafi.

Converti vers 2000 par des prédicateurs pakistanais à la secte Dawa Tabligh, rivale des salafistes, Iyad Ag Ghali a alors, en 2011, formé son propre mouvement armé à connotation religieuse, Ansar Dine, et s’est rapproché d’Aqmi (Al-Qaïda pour le Maghreb islamique), un groupe créé en 2007 et composé d’Algériens issus du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) réfugiés au nord du Mali en 2000 après avoir refusé de participer aux offres de négociation-réinsertion des autorités algériennes. Grâce à cette alliance, Iyad Ag Ghali a pu reprendre la tête de la rébellion du Nord-Mali en marginalisant le MNLA en 2012, puis en manifestant, en 2013, l’intention d’étendre sa domination par une attaque vers le sud du Mali au nom du djihad, attaque repoussée grâce à l’intervention militaire française Serval de janvier 2013.

Mais rapidement, le paysage djihadiste s’est complexifié, reflétant différentes communautés locales. En une douzaine d’années, Aqmi avait eu le temps de s’enraciner au nord du Mali en prospérant dans les prises d’otages et les trafics divers tolérés par un gentleman’s agreement des autorités maliennes demandant simplement une absence d’agression ou de prise d’otages sur le sol malien. Précision : Aqmi avait recruté d’assez nombreux Maliens désœuvrés, notamment dans la communauté peule. Une partie de ces derniers ont fait scission d’Aqmi pour créer en 2012 leur propre mouvement, le MUJAO.

Ces trois groupes initiaux sont restés alliés, mais ont donné naissance à diverses katibas qui se sont séparées ou ont fusionné à nouveau. Depuis 2017, tout en prêtant allégeance à l’émir d’Al-Qaïda et à celui d’Aqmi, Iyad Ag Ghali a été désigné chef du Groupe de soutien à l’islam et aux Musulmans, ou JNIM, selon l’acronyme transcrit de son nom arabe.

Le JNIM est désormais une coalition de quatre groupes : Ansar Dine, le Front de libération du Macina (FLM) dirigé par le prédicateur peul Amadou Koufa, également de la secte Tabligh, Al Morabitoun, fusion des anciens MUJAO et du groupe à dominante arabe « Les signataires par le sang », et Aqmi.

En 2015, une scission d’Al Morabitoun provoquée par l’allégeance à l’État islamique d’un de ses commandants, Abou Walid al Sahraoui, a fait naître une organisation rivale, l’EIGS, État islamique dans le Grand Sahara. L’EIGS s’affronte épisodiquement avec le JNIM.

Depuis 2012, sous le couvert de la religion, chacun de ces extrémistes armés dans une zone géographique définie mène une violente campagne militaire au nord du Mali. En 2015, ils se sont étendus au centre du pays, grâce au FLM, puis au Burkina Faso, en connexion avec le groupe local Ansaroul Islam, et au Niger. Les forces nationales et l’armée française les combattent, mais les attaques djihadistes n’ont cessé d’augmenter contre les représentants de l’État et contre les civils lorsqu’ils sont perçus comme collaborant avec leurs ennemis.

Par Nicolas Normand   in  le  Point

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