Alors que les sollicitations pleuvent et que les journalistes se bousculent pour savoir quelle jeune femme se cache derrière le premier personnage féminin voilé de Spider-Man, Zoha Rahman doit encore se pincer pour y croire : elle a fait tomber une barrière à Hollywood, dans la puissante industrie à créer les masques de l’illusion !
La jeune actrice britannique d’origine pakistanaise peut, en effet, se targuer d’entrer dans les annales de l’Univers Marvel, ce monde imaginaire peuplé de super-héros, en ayant prêté ses traits à la première amie musulmane, de surcroît coiffée d’un hijab, de Peter Parker, le célèbre homme araignée doté de fabuleux pouvoirs.
En pleine promotion du dernier opus de la saga fantastique « Spider-Man : Far from Home », la jeune femme, qui est née au Pakistan et a été élevée dans le respect des valeurs traditionnelles, choyée par ses parents, a récemment retracé son itinéraire atypique, presque surréaliste. Un itinéraire qui l’a conduite des amphithéâtres de droit, à Londres, aux plateaux de tournage à Los Angeles, et ce, sans user d’effets spéciaux…
Zoha Rahman aurait pu endosser la robe d’avocate, mais elle a préféré jouer sur une autre scène que celle d’un prétoire, revêtir plusieurs autres costumes sous l’objectif d’une caméra et déclamer d’autres textes que des plaidoiries, en espérant vivement contribuer à une meilleure représentation des musulmans, notamment sud-asiatiques, au cinéma.
« Mon passé surprend toujours les gens », a-t-elle déclaré à Al Jazeera. « J’ai grandi au Pakistan, puis je me suis installée au Royaume-Uni avec ma famille, où j’ai étudié pour devenir avocate. Mais à mi-parcours de ma maîtrise, j’ai décidé de changer radicalement d’orientation. Je rêvais de devenir actrice, malgré les fortes réticences de mes parents », s’est-elle remémorée en esquissant un sourire, car ce temps-là est bel et bien révolu.
Les réticences d’hier se sont totalement évanouies aujourd’hui, et ont laissé place à un sentiment de fierté, alors même que son rêve inatteignable a fini par devenir réalité, et ce, par la seule magie d’un casting…
« Je comprends parfaitement les grandes réserves de mes parents. Ils avaient peur pour leur fille, peur de la voir s’aventurer dans un monde à part, dans un métier à risques, et surtout que j’y perde mon âme. Aussi, je suis tellement heureuse de les voir fiers de moi. Ils sont fiers de montrer à leurs amis les magazines dans lesquels j’apparais », a confié Zoha Rahman, visiblement émue.
« Nous sommes un peuple qui a connu des siècles de luttes, de réajustements constants, et il n’est donc pas surprenant que la communauté pakistanaise aspire plus que tout à la la stabilité et désire que ses enfants optent pour la sécurité », a-t-elle ajouté.
Zoha Rahman vit un vrai rêve éveillé qui suscite un extraordinaire enthousiasme sur les réseaux sociaux, les jeunes filles musulmanes, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, s’enflammant pour leur nouvelle super-héroïne en hijab, qui a réussi le tour de force de s’imposer à Hollywood.
Mais loin de s’en réjouir, cet engouement qui se cristallise autour de sa personne lui pose question. A ses yeux, c’est le signe que quelque chose ne va pas : « Nous ne devrions pas être aussi enthousiastes à propos de ce je suis en train de faire, car cela aurait dû se produire il y a très longtemps », a-t-elle commenté. « On connaît tous des femmes qui portent le hijab dans la vraie vie. Alors, pourquoi ne voyons-nous pas ces personnages à l’écran ? », interroge-t-elle, en appuyant là où le bât blesse.
Projetée en pleine lumière par la force surhumaine de Spider-Man, qui a fait sauter le verrou des préjugés anti-musulmans à Hollywood, Zoha Rahman a certes remporté une bataille mais pas la guerre. Et comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le nouveau visage de l’Univers Marvel envisage de passer derrière la caméra pour réaliser son propre film. Un film dans lequel elle camperait la parfaite héroïne, sud-asiatique et de confession musulmane.
Oumra
